Le siècle des Plantagenets


AMBLEVILLE

Située sur la rive nord du Collinaud, un petit affluent du Né, cette paroisse exploite un terroir favorable constitué de terres basses et d'un environnement au relief peu prononcé. Le village est desservi par cinq chemins rayonnants mais c'est, semble-t-il, une région qui n'a jamais franchement opté pour un remembrement rationnel et de nombreux petits hameaux et fermettes subsistent sur ces 800 à 1.000 ha. Ceci devait réduire l'habitat propre à l'agglomération à 250/300 âmes mais le nombre des paroissiens attachés au lieu de culte devait dépasser les 500. L'ensemble de la population établi sur les deux rives avait coutume de communiquer et d'échanger par un ponceau et c'est lui qui va fixer l'agglomérat ainsi que le lieu de culte. Établie non loin de là, l'église de Lagarde sur le Né a connu des formes primitives semblables à celles d'Ambleville.

La partie la plus ancienne de l'ouvrage est constituée d'une longue nef de structure légère avec murs porteurs primitivement couverts sur charpente. Sa largeur est de 4m 60 sur une longueur proche de 18m. Les murs atteignaient les 7m et comportaient de petites fenêtres haut placées qui vont disparaître lors des aménagements ultérieurs. Nous daterons cette nef du milieu du XI°. Au cours du même programme, une travée clocher est installée sur la partie orientale de la cella; elle est incluse entre deux arcs plein cintre à double rouleau et des formerets de même dessin mais ils sont d'inégale épaisseur ce qui donne un centre désaxé de 30cm par rapport à celui de la nef. Nous supposerons que cette croisée s'alignait sur une abside orientale elle aussi constituée d'un volume rectangulaire léger. Les murs latéraux sont percés de deux ouvertures : celle du nord est en plein cintre mais désaxée, celle du sud est en arc brisé et bien centrée. Il s'agit de toute évidence d'une reprise ultérieure ainsi pouvons nous supposer que cette travée clocher ouvrait sur deux croisillons.

Au sommet des arcs porteurs, le carré de la croisée est garni de quatre trompes réduites portant une coupole archaïque. Ce couronnement peut dater des années 1100 et sur les deux à trois premières décades du XII°, l'ensemble sera surmonté d'un beau clocher aménagé de quatre baies géminées. Sur cette même période, une nouvelle façade sera réalisée à l'ouest de la vieille nef. Ainsi, fin XI° début XII°, l'ouvrage était toujours de facture archaïque constitué de quatre volumes couverts sur charpente mais dominés d'un beau clocher.

Le premier programme gothique mettra en cause la vieille cella orientale à laquelle va se substituer un nouvel ouvrage de plan rectangulaire faisant 6m X 6m 60 de côté. Son volume sera désaxé vers le nord, sans doute pour préserver des constructions flanquant le mur sud de l'ouvrage primitif. Ce nouveau chevet a des caractères ambigus. Les contreforts d'angle semblent dater du XIV0 mais la voûte sur croisée d'ogive actuelle, de caractère angevin tardif, possède des retombées de nervure sans chapiteau; un caractère XV°s. D'autre part, les fenêtres, et en particulier la grande baie axiale, seraient de la même époque. L'explication se trouve sans doute dans le niveau de corbeaux inclus dans les élévations. Après un sinistre, l'ouvrage doit avoir servi un siècle et plus avec une couverture sur charpente, avant reprise des voûtes et modification des fenêtres. Enfin, un escalier à vis flanquant l'élévation nord semble avoir été accolé à l'ouvrage lors de la dernière campagne, il a pour pendant un contrefort sud ajouté pour stabiliser les élévations après effondrement des premières voûtes.

A la fin du XIV°, les deux croisillons datant de la fin de XI° sont refaits en gothique et tous deux seront flanqués d'une chapelle annexe établie vers l'ouest. L'ouvrage nord est plus vaste que celui du sud et l'accès en plein cintre déjà ouvert dans la croisée n'a pas été modifié, par contre, un deuxième accès sera ouvert dans le mur de la nef pour la chapelle annexe. Côté sud, l'accès ouvert dans la croisée sera repris en sous œuvre et en arc brisé. Le nouveau croisillon ainsi que sa chapelle annexe seront coiffés de deux voûtes gothiques avec ogives reposant sur des faisceaux de colonnettes et chapiteaux typiques du XIV0. Ces voûtes sud sont toujours en place et comme le doubleau interférait avec l'accès, il sera basé sur un puissant cul de lampe. Il semblerait que l'ensemble de ces aménagements latéraux, comme l'escalier nord, soit à dater du X1V°, mais il a été réalise en période trouble avec petit matériau de réemploi.


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(A)      Elévation fin XI°s.
(B)      Fenêtre primitive
(C)      Voûte briques et plâtre XVII°s.
(D)      Fenêtre donnant sur les combles
(E)      Arc en plein cintre
(F)      Formerets latéraux inégaux
(G)      Quatre trompes réduites
(H)      Coupole sur trompe archaïque 1100/1110
(J)      Clocher 1110/1135
(K)      Grande cella début XIV°s.
(L)      Fenêtre et voûte XIII° - XVI°s.
(M)      Chapelle sud voûte gothique fin XIVos.
(N)      Chapelle nord fin XIV°s, voûte détruite
(P)      Subsistance du croisillon XII°s.
(Q)      Accès plein cintre XII°s., reprise
(R)      Accès gothique, arc brisé
(S)      Escalier, reprise du XV°s.
(T)      Façade reprise au XII°s.


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Ambleville. Vue d'ensemble côté chevet.


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Ambleville. Parties hautes de la tour de croisée.


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Ambleville. Détail de la nef, élévation sud.