PERIGUEUX - VESONE
Périgueux: abbatiale St. Front 1998
Avec les découvertes réalisées au siècle dernier, lors du percement de la trouée de chemin de fer, puis avec les témoignages obtenus grâce aux fouilles effectuées au début du XX°s. à proximité de la tour de Vésone, l’agglomération romaine nous est bien connue, cependant était-elle gauloise à ses origines? C’est une sujet sur lequel nous en sommes réduits aux hypothèses.
Comme de coutume, notre cadre de réflexion portera sur le contexte urbain avec, en soutien, de bons arguments socio-économiques résumés ainsi: une ville nouvelle ne se créée pas sans quelques études préalables et la première réflexion venant à l’esprit est la suivante: pourquoi rechercher des conditions de viabilité et négliger un site existant qui les a déjà trouvées, exploitées. D’autre part, l’agglomération existante à déjà tissé sa toile économique et un nouveau lieu d’échange risquerait de la concurrencer. Ainsi, admettre la permanence des sites est une conclusion emprunte de bon sens.
En condition optimum, l’agglomération nouvelle doit se développer sur le flanc ou à proximité de l‘ancienne afin d’en exploiter les ressources et d’en tirer la sève pour assurer son propre développement. En fin de cycle, cette ville nouvelle va absorber l’agglomération indigène dans le cadre d’un plan d’aménagement, cette mutation sera longue, un bon siècle nous paraît un laps de temps raisonnable.
Une fois le dossier établi, reste la mise en œuvre et la conjoncture gauloise s’avère particulièrement favorable. Le pays forme un ensemble abondamment peuplé et potentiellement riche mais dépourvu de structures centralisées et celles qui existent sont engagées dans une lutte d’influence où s’opposent vielle aristocratie militaire, (dont Vercingétorix se fera le héros), et notables portés vers le négoce. La victoire de Rome va trancher le différend et les tenants de l’économie profiteront pleinement du grand marché méditerranéen qui s’offre à eux avec une monnaie stable et forte. Enfin, les voies de communication seront sécurisées et développées sur les décennies qui suivent la Conquête. Ainsi, avec l’aisance et la fortune, cette bourgeoisie d’affaires prend en mains les destinées de la société gauloise et adopte l’ordre romain et le mode de vie qui va de paire.
Réunis dans des assemblées sénatoriales, ils assurent la mise en œuvre d’un vaste projet d’urbanisation puis acquièrent des îlots et des parcelles dans la ville nouvelle pour y construire de fastueuses villas dotées du confort à la romaine. Ils feront également édifier les monuments de prestige que toute cité antique se doit de posséder : théâtre, amphithéâtre, forum et thermes. Cette mutation se fera sur plusieurs générations et les héritiers seront de véritables gallo-romains avec la langue et la culture latine pour usage exclusifs.
LE CONTEXTE GEOLOGIQUE
Une fois le schéma établi, voyons comment il peut s’appliquer à Vésone la Gauloise. En ce lieu, l’Isle qui descend des monts de Corrèze coule au niveau 95m et reçoit l’apport de l’Auvézére, ensuite, le cours serpente entre des hauteurs boisées culminant à 180/220m et, chemin faisant, le fleuve reçoit les eaux de plusieurs petits affluent dont la Beauronne. Ensuite, le niveau se stabilise à 78/72 m et forme un vaste méandre chargé d’alluvions. Sur les 50km qui vont suivre, le cours demeure rapide puisque le fleuve perd encore 45m de niveau mais l’écoulement en méandres avec de la végétation sur berges, permet une navigation relativement aisée à la belle saison. Dans ces conditions, le site de Vésone devient l’ultime point accessible à la moyenne batellerie et par conséquent le point de rupture de charge avec la petite batellerie qui, seule, peut s’aventurer en amont. Les berges qui s’étendent entre le confluent de l’Auvézère et de la Beauronne représentent environ 14km potentiellement exploitables pour l’établissement d’une agglomération mais le site de Vésone a des avantages qui vont lui permettre de s’imposer.
LES CARACTERES DU SITE
Chaque méandre offre sur ses berges des caractères constants mais plus ou moins prononcés et donc favorables à l’implantation humaine. A l’extérieur de sa courbe le courant attaque les berges et rejette ensuite les dépôts vers l’intérieur, puis retrouve de la vitesse et aborde la rive opposée où le phénomène se renouvelle, mais les conditions ne sont jamais les mêmes. Au niveau de Périgueux l’amplitude est moyenne mais suffisante pour préserver sur la rive nord les hauteurs qui deviendront la Butte Saint Front par contre, la courbe est vaste et les dépôts d’alluvions seront nombreux à ce niveau et sur la rive opposée. A l’époque gauloise, ils formaient sans doute plusieurs îlots qui ralentissaient le courant et offraient des bras morts pour l’accostage des bateliers. Il faudra ensuite améliorer ce que la nature a offert en installant des digues végétales sur des pieux enfoncés dans les alluvions. Ce premier ouvrage va piéger les dépôts et former une digue artificielle que la végétation soigneusement choisie et entretenue confirmera. Cette première installation est essentiellement conçue au service de la batellerie et pour un accostage sur une première petite agglomération fixée sur la hauteur Saint Front.
Le développement ultérieur sera le fait des commerçants établis sur les quais et au pied de la colline. Le potentiel économique sera fourni par les voyageurs et marchandises empruntant la voie sur berge. Dans un second temps, les responsables de l’agglomération trouveront judicieux d’établir un ouvrage de franchissement destiné à lier les cheminements perpendiculaires qui sont, ici, nord-sud. Cet ouvrage relativement léger, fixé sur des pieux plantés dans le limon, est exploitable par les piétons, les cavaliers et les voitures légères mais demeure fragile, en particulier face aux bois dérivants charriés par les crues. D’autre part, ce type de pont, à supports multiples, n’offre qu’une faible hauteur sous le tablier, ce qui gène les bateliers, notamment ceux qui remontent le courant à la voile. Il faudra une ferme volonté de la part des notables de la cité pour l’imposer mais, une fois établi, l’ouvrage engendre une rupture de charge dans le transport fluvial et ses activités de chargement et de déchargement vont favoriser le site et son négoce. Après quelques décennies d’existence, il décomposera les activités batelières de l’amont et de l’aval.
Au cours des quatre siècles précédant la Conquête, la société gauloise connaît un développement démographique important et l’économie amorce un accroissement correspondant mais c’est le monde rural qui commande le mouvement et l’infrastructure routière et urbaine destinée à répondre à ses besoins prend un certain retard, d’où les aventures conquérantes menées, à cette époque, par les Gaulois en Europe. Au cours de cette mutation, d’autres cités établies sur le cours de l’Isle tenteront de s’imposer mais voyageurs et marchandises privilégient la première infrastructure mise en place et le site de Vésone confortera sa position. Ainsi sera-il choisi par l’ordre romain comme métropole provinciale. A l’époque de la Conquête des Gaules, l’agglomération peut compter sur 2.000 à 2.500 habitants établis sur les 5/6 ha de la colline et 2 à 3.000 autres s’activant sur les installations portuaires et dans les nombreuses boutiques d’artisans établies sur les berges et les îlots du fleuve. A ces 5.000 individus résidant à demeure, il faut ajouter 1 à 2.000 saisonniers au service de la batellerie et sur la belle saison mais peu sont des résidents permanents.
VESONE LA ROMAINE
Dans les régions du sud-ouest, où la vocation céréalière des terres n’est pas caractérisée, le plan d’aménagement, dit d’Agrippa, prendra un certain retard et l’évolution urbaine se prolongera sur un bon siècle. Ce sont les voies gauloises aménagées qui semblent régler l’articulation urbaine de Vésone. Au XIX°s. les archéologues mettront en évidence le cheminement sur berges qui s’inscrit dans une liaison Limoges/Libourne et ce fut sans doute celui qui se maintint le mieux dans les siècles à venir mais son impact sur le réseau de voies urbaines est inexistant. Dans un premier temps, afin de ne pas handicaper l’économie de la cité gauloise établie sur la colline Saint Front, ainsi que le franchissement et les aménagements portuaires qui lui sont liés, le nouveau plan sera établi en parallèle sur le méandre aval, à 500m du centre de l’agglomération existante.
L’orientation du decumanus correspond pratiquement à l’axe nord-sud et l’espace couvert par le premier programme représente un rectangle de 800 x 400m. mais le maillage des voies n’est pas régulier. La liaison avec la ville ancienne se fait grâce à une dizaine de voies perpendiculaires (cardo) et la grande infrastructure est établie à l’ouest du plan. Nous trouvons là un amphithéâtre, deux forum : le gaulois qui s’articule autour du temple de facture indigène, la tour de Vésone, et le gallo-romain où l’ouvrage semble de facture greco-latine. C’est sur ce réseau de voies urbaines couvrant 32ha que se fera le raccordement des voies rayonnantes au nombre de 8 ou 9.
Outre la voie sur berge déjà citée, nous trouvons l’itinéraire de franchissement donné par un cheminement aménagé menant de Saintes à Rodez et c’est lui qui traverse la vieille ville gauloise. Son exploitation se maintiendra sur les siècles à venir, au XI° et au XII°s., il sera ponctué de nombreuses églises romanes de belle facture. Dès la fin du premier siècle, il fera l’objet d’une dérivation et sera relié au decumanus de la nouvelle cité donnant ainsi accès aux deux forum. Il franchira l’Isle sur un nouvel ouvrage et poursuivra vers Agen. Ce sont là les itinéraires principaux. Parmi les autres voies rayonnantes, de caractère secondaire, deux vont se diriger vers le nord et deux autres vers le sud. Parmi ces dernières l’une va joindre le site de Cahors.
Cette période de mutation doit s’achever vers la fin du 1er siècle. La cité nouvelle, conçue à l’usage des notables, reçoit de vastes demeures avec grand confort et les 32 ha nouvellement urbanisés ne seront que faiblement occupés: 100 à 150 habitants à l’hectare, soit 4 à 5.000 individus supplémentaires. D’autre part, la ville gauloise qui bénéficie des nouvelles voies rayonnantes aménagées voit sa population augmenter, soit 10.000 habitants environ, ce qui fait un total de 15.000 âmes à la fin du 1er siècle. Nous trouvons parmi ces gens la domesticité et les prestataires de service qui s’activent dans la cité nouvelle tout en résidant dans le bourg gaulois.
DE L’OPTIMUM A LA DEMESURE
Dans cette première évolution urbaine, les caractères socio-économiques de la population demeurent satisfaisants. La nouvelle ville séduit par ses espaces ouverts et par le mode de vie qu’elle procure : forum, amphithéâtres et thermes mais ces attraits vont engendrer le déplacement des notables ruraux vers la cité et le phénomène sera amplifié par le désir des héritiers de tirer un meilleur profit du patrimoine. Comme nous l’avons développé dans les caractères généraux, les demeures bourgeoises deviennent des immeubles de rapport et les jardins établis sur les revers sont concédés à bon prix à des artisans qui s’y installent. Ces nouveaux occupants vont constituer la force vive du quartier et ce glissement a naturellement desservi la ville gauloise qui perd sa population mais le vide sera rapidement comblé par de nombreux ruraux chassés de leur terre par les remembrements. Rome a déjà connu le même phénomène.
De leur côté, les notables et les bourgeois qui entendent préserver un mode d’existence convenant à leur rang, feront construire un nouveau quartier résidentiel à l’ouest du précédent mais avec des coordonnées légèrement différentes, sans doute pour faciliter l’assainissement par un réseau gravitère. Cette extension de la cité nouvelle doit correspondre au milieu du second siècle, mais rapidement l’agglomération voit sa population dépasser le seuil du raisonnable. Aux 15.000 occupants du 1er siècle vont s’ajouter de nombreux ruraux vivant de manière marginale et comme ils constituent une main d’œuvre à très bon marché que les notables jugent bon d’exploiter, le phénomène est admis. Combien de personnes vivent-elles ainsi, à la charge de l’agglomération? Il est difficile de l’estimer mais l’état de crise qui va se développer vers 250 suppose un excédent considérable, soit 30 à 45.000 personnes au bas mot. Lors des troubles de250/275, ces marginaux connaîtront la misère et seront jetés sur les routes d’une province livrée à la famine. Ce sont eux qui seront grandement responsables de la ruine profonde et quasi irrémédiable qui frappera Vésone et sa province.
LA RUINE DE L’EMPIRE
La fin de cette brillante civilisation et la destruction violente de ces cités et de ces édifices de prestige ont intrigué les historiens de l’époque moderne et les hypothèses émises ont été marquées par la psychologie contemporaine. L’ampleur du phénomène est révélé sur la seconde moitié du XIX°s. et les références historiques aux invasions germaniques vont frapper les esprits. C’est l’époque où la France digère mal sa défaite de 1870 et le sentiment national recherche un nouvel ennemi héréditaire. Ainsi les Germains prendront naturellement la place des Britanniques naguère jugés responsables de la fin de l’empire. A la fin du XIX°s. une vérité académique s’impose; les grands invasions germaniques sont à l’origine de la chute de l‘empire romain. C’est une explication suffisante.
Cependant les analystes à l’esprit rationnel se demandent comment l’énorme puissance de Rome a pu succomber sous l’action de quelques centaines de milliers d’individus, sans organisation militaire, venant d’Outre Rhin. Dès 1950, nos certitudes commencent à se fissurer et de nombreux témoignages historiques mineurs jusqu’alors négligés sont pris en compte. Une nouvelle hypothèse se dessine. Parmi les nouveaux éléments fournis aux analystes, citons les nombreuses découvertes obtenues par photos aériennes réalisées par R. Agache et ses amis. Ces images montrent d’énormes exploitations céréalières de plateau couvrant des terroirs de plusieurs centaines d’hectares ayant totalement disparu sur la période tragique 250/275.
Ces surfaces considérables, exclusivement réservées à la culture céréalière, destinées aux exportations vers le bassin méditerranéen, avaient totalement déséquilibré l’agriculture des villages gaulois traditionnels. Faute de terre à blé, la petite paysannerie était dans l’obligation de travailler pour les grands propriétaires laissés libres de pratiquer la rémunération qu’ils entendaient. Ce sont ces gens, réduits à la pauvreté, qui vont encombrer la périphérie des villes et constituer un ferment de troubles. Après 200, le manque de main d’œuvre devient criant dans les grandes exploitations céréalières du nord et de nombreux régisseurs amènent, de force, des saisonniers qui seront enchaînés au cours de la nuit.(découverte de R. Agache). Les tensions sociales sont telles que le moindre incident peut transformer ces gens en un véritable fléau pour la civilisation. Certes ce sont les invasions germaniques qui seront à l’origine des drames qui vont suivre mais c’est l’action des bandes armées qui, durant 20 à 30 années, accumulent les ruines et interdisent toute restauration d’un ordre stable.
Dans les régions de l’ouest, et notamment dans le Périgord où selon les textes les hordes d’envahisseurs germaniques ne firent que passer, les ruines seront tout aussi importantes et de même caractère que dans les cités de l’est et du nord touchées de plein fouet par le phénomène. Ainsi la ruine est bien venue de l’intérieur et si, chaque cité d’occident a jeté sur les routes 15 à 30.000 gueux après qu’ils eussent saccagé le commerce de la cité, nous avons là un fléau d’une ampleur bien supérieure aux nuisances que pouvaient occasionner les tribus germaniques dont l’objectif avoué était de repartir les mains pleines.
C’est un phénomène qui va s’entretenir de lui même. Bientôt les campagnes seront touchées et les agriculteurs eux mêmes ruinés n’auront d’autre ressource que de piller à leur tour. Ainsi la Gaule toute entière va sombrer dans le chaos et c’est finalement la ruine généralisée qui viendra à bout de ces bandes de pilleurs, après que ces gueux se soient dévorés entre eux, mais les troubles ont duré le temps d’une génération, soit 20 à 30 années. Lors de sa reconquête, Constance Chlore, ne fera que liquider les dernières bandes que l’Histoire appellera Bagaudes et notamment celles de la région parisienne et de la Basse Seine.
Certes nous ignorons encore les diverses péripéties de cette période terrible mais l’ampleur des dégâts révélée par les découvertes archéologiques, à Vésone notamment, en porte témoignage.
VESONE DANS LA TOURMENTE
Lors des ruines et des massacres qui vont se succéder de 250 à 280, les occupants de la grande cité ouverte vont se réfugier dans les gradins de l’amphithéâtre dont les ouvertures seront obstruées par des empilages de pierres. Cette position était particulièrement forte mais de trop faible surface pour permettre une vie organisée. Alors, dans un premier temps une défense improvisée viendra flanquer la redoute constituée par l’amphithéâtre et c’est ce tracé renforcé qui deviendra l’enceinte du Bas Empire. Parallèlement, la ville ouverte incendiée et ruinée offrait toujours un cadre de vie sommaire mais acceptable dans les périodes de calme relatif. Mais, périodiquement, les bandes armées reviennent et reprennent leur saccage. Ainsi le nombre d’habitants se réduit au fil des ans et bientôt la surface de la cité forte sera suffisante pour accueillir en permanence la population subsistante.
Que sont devenus ces Gaulois si fiers, si conquérants qui ont fait trembler Rome quelques siècles auparavant? Il semblerait que les fastueuses civilisations ruinent les caractères en profondeur au point que l’on ne trouve plus, chez l’homme, la moindre réaction salutaire et organisée, seule la peur et la lâcheté règnent alors sans partage sur l’esprit des hommes.
Vers 280/290, le cauchemar s’estompe mais les ruines accumulées sont énormes et la misère s’est installée. Les champs sont en friche et sur les 30 années écoulées, le couvert végétal a prospéré et la petite futaie a envahi les terres labourables. La remise en culture sera longue et pénible pour une population considérablement réduite en nombre. Les campagnes vont se relever peu à peu mais la production alimentaire, et notamment céréalière, ne dégage plus d’excédents suffisants pour nourrir la population urbaine à son niveau d’antan. Vésone se rétablira mais telle une grosse bourgade avec 4 à 5.000 habitants, soit guère plus que le sixième de sa population antérieure et avec une articulation bien différente.
LES DECOUVERTES ARCHEOLOGIQUES
Dés le début du XIX°s. l’identité Vésone/Périgueux ne faisait aucun doute et le meilleur témoignage antique invoqué était la grosse tour ronde dite « tour de Vésone » mais cela était insuffisant pour restituer les caractères de la cité antique. Les premiers éléments palpables furent mis à jour lors du percement de la trouée de chemin de fer, le tracé des excavations va éviter l’ensemble urbain de la cité et choisira les jardins et les implantations légères qui entourent le cœur de l’agglomération et ceci afin d’obtenir des expropriations à moindre coût. Cependant, cette différence de densité urbaine marquait également les espaces intra et extra muros de la muraille. La partie basse de la fortification mise à jour était constituée de gros blocs de pierre appareillés où l’on pouvait identifier les restes de culture provenant des monuments antiques; ces fondations avaient même été reprises par des édifices du Moyen Age, tel le château Barrière. Enfin, 250m plus loin, cette même excavation qui tangentait la tour de Vésone mettait à jour la grande enceinte externe de 110 x 120m constituant les boutiques du forum. A l’issue de ces premières découvertes, des fouilles et des sondages vont se multiplier afin de restituer l’ensemble de la cité du Bas Empire dont le tracé elliptique s’appuie sur le volume de l’amphithéâtre, ainsi les grands traits de la ville antique nous étaient révélés.
C’est au cours de ces investigations que furent découverts également les tronçons des voies urbaines et, en quelques décennies, le plan de la ville ouverte fut ébauché. Il apparut très vaste et conforme à l’idée que nous nous faisions des grandes métropoles impériales avec un maillage régulier exploitant judicieusement les pentes du terrain pour assurer la viabilité avec adduction d’eau et réseau d’égouts correspondant aux îlots. Ce sont ces éléments acquis qui nous permettent la restitution figurant sur le plan joint.
LA VESONE DU BAS EMPIRE
Vers 300/320, à l’aube de la brève renaissance constantinienne, la muraille jouxtant l’amphithéâtre est pratiquement achevée. Sa superficie est proche de 7ha et l’urbanisation très dense établie lors des périodes sombres peut recevoir environ 4.000 personnes mais dans des conditions d’existence très précaires. Les fontaines romaines ne sont plus alimentées et les rives de l’Isle se trouvent à 500m des murs de la cité. Il faut percer des puits mais leur production demeure limitée; dans ces conditions, les excédants de population vont quitter la cité forte et les premiers à partir seront les artisans dont les besoins en eau courante sont importants. Seuls resteront ceux pratiquant la petite manufacturation qui s’accommoderont d’ un espace exiguë. Avec le calme revenu, combien d’habitants subsistent dans l’enceinte? 2.500à 3.000 environ, et le refuge constitué par le temple de Vésone qui offrait une superficie de 10.000 m2 sera lui aussi déserté
Dans cette redistribution des espaces urbains, les artisans vont rejoindre les berges de l’Isle et le site le plus favorable est incontestablement l’îlot situé au pied de l’ancienne ville gauloise. Une digue légère établie en amont permet de distribuer l’eau courante à l’ensemble des installations réparties sur les berges, tandis que les ateliers s’installent sur un chemin médian. C’est cet aménagement, peut être déjà réalisé dès l’époque gauloise, qui va redonner vie à l’espace du bourg. Dès la renaissance constantinienne, il y a là 1.000 ou 2.000 personnes qui réorganisent leur vie dans des constructions légères tandis que les négociants s’installent sur le quai de bois établi sur la rive côté colline.
Les voies romaines subsistent mais les accotements ont été gagnés par la végétation et la chaussée, faute d’entretien, n’est plus roulante, enfin, le manque de fer empêche le façonnage de chariots de qualité. C’est donc la petite batellerie qui approvisionne cette ville renaissante. Les commerçants installés sur le quai profitent du renouveau économique et ce sont eux qui fourniront les premiers notables du bourg. L’articulation gauloise reprend ses droits, l’épisode romain n’aura duré que quatre siècles.
LES PREMIERS CHRETIENS
Les apôtres du nouveau culte étaient déjà présents dans la plupart des villes de Gaule romaine avant la période 250/275, mais leurs prêches ne rencontraient que peu d’échos, par contre, tout change après la crise. La profonde misère régnante décantera l’humeur de la population. Pour les traditionalistes il faut renouer avec les cultes anciens qui ont fait la grandeur de la civilisation gallo-romaine mais, pour d’autres, plus nombreux, les Dieux ou les Idoles hérités de Rome ont failli à leurs obligations et la société occidentale doit se libérer de ses anciennes croyances, parmi ceux-la les chrétiens vont trouver une faible audience mais les soucis matériels l’emportent franchement sur les préoccupations religieuses. C’est la brève renaissance constantinienne qui donnera la liberté de culte aux chrétiens favorisant ainsi leur implantation dans les couches populaires. Les premières communautés sommairement organisées seront créées par des apôtres venus de Rome, chassés par les violentes persécutions qui ont marqué le règne de Dioclétien. Mais, à Vésone, comme dans toutes les autres cités d’Occident, les traditionalistes gardent la main haute sur la cité et les chrétiens doivent se regrouper dans les quartiers besogneux au pied de l’ancienne cité gauloise.
L’un deux, Saint Front deviendra le saint patron du bourg mais son histoire est incertaine. Pour une légende locale et bien tenace, il est originaire du village de Lenquais, par contre, selon d’autres sources, il serait venu de Palestine où le Christ lui-même l’aurait converti à la vraie foi et c’est Saint Pierre qui l’aurait amené à Rome avant de lui confier la charge d’évangéliser le Périgord. Nous reconnaissons bien là, les caractères de la légende dorée. Les origines périgourdines sont plus logiques mais les dates de son action évangélique demeurent totalement inconnues.
Dans le contexte occidental, deux périodes sont favorables à l’émergence de saints personnages: il y a d’abord celle qui précède la liberté du culte accordée par Constantin, soit 280/315 environ et, dans ce cas, le prêcheur inspiré qui va marquer l’esprit des contemporains a connu une existence bien difficile et parfois même a souffert le martyr. La deuxième période favorable est plus tardive, 380/450. Il s’agit toujours d’un prêcheur inspiré mais cette fois il s’impose dans un monde déjà partiellement christianisé et sa vie exemplaire va trancher avec le comportement de l’évêque inféodé à la bourgeoisie et bien installé dans la cité forte. L’apôtre s’est fixé dans le bourg où il consacre un lieu de culte au service de la population établie hors les murs. Cette petite église construite sur le bord du plateau, derrière les demeures qui longent les quais, serait à l’origine de la grande abbaye actuelle, mais aucun texte n’est venu confirmer ou infirmer l’une ou l’autre de ces hypothèses et nous dirons simplement que les saints reconnus en Occident sont majoritairement de l’une ou l’autre période.
A) Artisan gaulois
B) Accostage
C) Commerçant gaulois
D) Ville gauloise?
E) Pont gaulois
F) Ville romaine, I
G) Voie de franchissement
H) Amphithéâtre
J) Forum gaulois
K) Forum romain
L) Basilique civile
M) Ville romaine, II
N) Cité du Bas Empire
P) Cathédrale de la cité
Q) Abbatiale Saint Front
fouilles de Vésone, plan d'ensemble
Périgueux: la tour de Vésone
Périgueux: le chateau de la cité et la trouée de chemin de fer
Périgueux : vestiges de l'enceinte du Bas Empire
Périgueux : enceinte du Bas Empire