CHARLEMAGNE

Première renaissance brisée dans son élan, l’épisode carolingien fut marquant pour l’histoire de la société occidentale. Dans les vieilles cités du Bas-Empire, l’attachement à la civilisation romaine, jusque-là pieusement conservé, s’estompe peu à peu, et dans les campagnes, cavaliers et grands propriétaires terriens qui font l’évènement oublient leur origine germanique pour se consacrer à la nation qui est la leur. Les Francs ne représentent guère plus que 10% de la population de l’hexagone mais ce sont eux qui donnent le ton. Enfin, dans les villes du Languedoc et de l’Aquitaine, ce pouvoir carolingien apparaît comme tolérable sinon satisfaisant. Pour tous, l’idée d’une nation qui ne serait plus ni franque ni gallo-romaine mais française, fait ses premiers pas.

Ce phénomène connaît plusieurs étapes et se concrétise en 800 avec le sacre de Rome. Cette dignité vaut pour toutes les provinces et non plus pour les villes du Nord comme ce fut le cas avec le Concordat de Reims scellé entre Clovis et Rémi. Enfin, l’administration mise en place par Charlemagne gère le pays selon des textes rédigés ce qui rappelle l’ordre romain et rompt, pour un temps, avec le comportement arbitraire des grands.

Cette politique carolingienne modifie bien des situations. Souvent bénéfiques, mais parfois pervers, ses effets se prolongeront sur la première moitié du IXème s., soit bien après la mort de l’empereur. Ses multiples implications rendent difficile une analyse globale, nous allons donc traiter cette page d’histoire selon des approches distinctes : le développement politique, l’organisation militaire, puis nous suivrons les différentes campagnes. Enfin nous aborderons le cadre de civilisation, son architecture, ses palais, ses abbatiales et cathédrales.

L’architecture religieuse carolingienne nous donnera également la mesure de la mutation que connaît alors l’ordre bénédictin. Celui-ci s’affirmera désormais comme une entité religieuse indépendante du cadre épiscopal et sera géré par des hommes de caractère à la ferme volonté. Ces responsables auront la sagesse de mener leur action sans interférer dans la vie religieuse des cités comme avait voulu le faire Saint-Boniface. Deux siècles plus tard, les villes reconnaissant les mérites de l’ordre feront appel à ses moines gestionnaires, et ces hommes prendront une grande part dans l’épanouissement de la société romane.