Le siècle des Plantagenets
GUTINIERES
Située à 17 km au sud de Pons, l'agglomération est établie sur de bonnes terres céréalières et le choix est délibéré puisque La Rochette, une petite rivière coulant nord/sud se trouve à 1000m du village. Le terroir de 800 à 1.000 ha est desservi par sept chemins rayonnants menant de la ferme aux champs, par contre, plusieurs lieu dits se sont installés à la périphérie lors des périodes de rétablissement du Bas Moyen Age et notamment La Font et Chez Goulard, deux hameaux qui se sont fixés sur les bords de la rivière, près d'un ouvrage de franchissement. Cette situation permettait le rétablissement agricole grâce à une exploitation pastorale intermédiaire. Aux XIP et XIII°s. les 600 à 700 âmes liées au lieu de culte vont construire une église à la fois riche et désordonnée dans son programme.
Comme à Tanzac situé plus au nord, le programme de Gutinières comporte un ensemble oriental constitué d'une abside installée sur axe et d'une travée clocher contiguë. Cet ouvrage est lié à une longue nef qui sera refaite et flanquée de deux croisillons issus de campagnes distinctes.
L'abside comportait primitivement trois fenêtres et quatre structures externes avec piles et colonnes engagées. Ses fondations remontent à la fin du XI°s., vers 1090. Ensuite le maître d'oeuvre établit la partie droite de plan rectangulaire avec une structuration externe formant deux travées. Cet ensemble oriental réalisé en grand appareil est particulièrement soigné. Arrivé au bandeau supérieur, à l'heure d'aborder la voûte, vers 1125/1130, le constructeur adopte l'arc brisé pour les deux doubleaux et les formerets avec l'intention sans doute d'établir une coupole. Son choix se portera sur une réalisation archaïque avec quatre trompes réduites et une coupole polygonale en blocage. L'ensemble sera surmonté d'un beau clocher ultérieurement détruit et refait. Achèvement des parties orientales vers 1140, le clocher vers 1150.
Cet ouvrage prend alors contact avec une longue nef du XI°s. et une croisillon qui le flanque côté sud et c'est pour préserver ce volume latéral que le maître d'œuvre chargé de la reprise installe un accès en plein cintre. Nous ignorons s'il existait un croisillon nord d'origine. Cette fausse croisée doit être achevée vers 1150/1160. Vient ensuite la reprise de la grande cella occidentale datant sans doute du XI°s.; les murs sont entièrement refaits en maçonnerie épaisse et le volume décomposé en deux travées longues par un doubleau mais sans doute pour respecter la présence d'édifices annexes, seule l'élévation nord est terminée rapidement et se distingue par une simple colonne engagée. La précédente élévation sud demeure en place ce qui met la voûte en attente. Cette première reprise de la nef est précoce, peut être avant 1140.
La reconstruction de l'élévation sud intervient vers 1155/1165 selon une technique beaucoup plus élaborée. La structuration interne est confiée cette fois à une pile doublée d'une colonne engagée et l'inertie externe est assurée par un solide contrefort. A cette époque la charge du programme doit peser sur la communauté d'autant que le responsable du chantier a entrepris, parallèlement, la reconstruction de la façade selon un beau programme roman régional. La nef est achevée vers 1180 mais, avant de voûter, il faut renforcer l'ensemble de l'élévation nord avec trois puissants contreforts et le constructeur profite de cette campagne pour ouvrir un grand arc brisé face au croisillon sud et sans doute réaliser un premier croisillon nord. Achèvement des reprises vers 1200. Enfin, une grande voûte en berceau brisé viendra coiffer les trois travées, compris celle formée par le croisillon. Cette voûte ruinée sera refaite à la fin du Moyen Age.
Sur les siècles qui vont suivre, divers aménagements seront réalisés: le croisillon nord actuel est de caractère rustique mais soigné, celui du sud subsistera dans sa facture XI°s jusqu'à la fin du Moyen Age et sera reconstruit en petit appareil avec un escalier attenant aux époques troublées où les parties hautes sont souvent transformées en refuge.
(A) Hémicycle proche de l'axe, 1110/1125
(B) Quatre colonnes engagées
(C) Trois fenêtres rayonnantes
(D) Reprise sommaire
(E) Travée clocher vers 1115
(F) Quatre trompes réduites
(G) Coupole archaïque vers 1135
(H) Clocher détruit et refait
(J) Arc d'accès au croisillon sud 1130
(K) Elévation nord 1130/1150
(L) Reprise de l'élévation sud 1155
(M) Contrefort externe 1160
(N) Nouvelle façade vers 1170/1180
(P) Reprise de l'élévation nord 1175/1190
(Q) Grandes voûtes fin XII°s.
(R) Croisillon nord XIV° ?
(S) Reprise du croisillon sud XV°/XVI°