Le siècle des Plantagenets

VALEUIL

Pour le voyageur perdu dans le dédale des petits cheminements qui parcouraient le Massif Central au sud est de Limoges, rejoindre le cours de la Dronne, c’était retrouver un itinéraire sécurisant, et, dès les XI° et XII°s. voyageurs et pèlerins seront nombreux à suivre la rivière. Brentôme où l’ancienne voie romaine menant de Saintes à Périgueux franchit la rivière, est un lieu privilégié qui sera choisi par les moines pour construire une abbaye. Dès lors la route est facile et deux chemins longent la rivière. Au second méandre après Brentôme, celui du sud parcourt de bonnes terres qui seront mises ou remises en culture dès l’an 1000. Ce sera le terroir de Valeuil. Un village qui peut compter de 400 à 500 âmes se développe sur le site et l’église établie à proximité de la rivière sera de facture romane .

Le plan d’origine est constitué d’une cella occidentale avec, peut être, une autre plus petite à l’est en guise de sanctuaire; c’est le programme primitif rural par excellence mais les aménagements vont se succéder tout au long des siècles. Vers 1100, le volume oriental laisse place à une belle abside en hémicycle outrepassée avec des structures externes constituées de piles engagées, coiffées d’arcatures plein cintre, tandis qu’à l’intérieur nous trouvons un aménagement semblable mais non concordant (archaïsme). Ici il s’agit de petites piles flanquées de colonnettes et coiffées d’arcatures également en plein cintre, les parties basses sont sans doute achevées vers 1120, coiffées d’un bardage et clôturées d’un doubleau.

Avant même d’avoir établi la voûte en cul de four, le maître d’œuvre décide d’implanter une travée clocher dans le prolongement de la nouvelle abside. Les parties basses sont bien avancées en 1130 lorsque fut prise la décision de coiffer le premier niveau de ce clocher d’une coupole sur pendentifs mais les arcs doubleaux de la travée sont déjà en place et le plan interne ne respecte pas le carré, alors des pendentifs réduits viendront remplacer les trompes et la coupole prendra une forme elliptique. Achèvement de l’ouvrage vers 1135/1140. Le cul de four de l’abside déjà réalisé en blocage sera repris en parements internes vers 1145 et un clocher dont nous ignorons la hauteur va couronner l’ensemble. Quel est, à l’époque, le volume de la nef? Nous l’ignorons.

Dès 1125, durant l’achèvement du clocher, le constructeur reprend l’élévation sud de cette nef à l’alignement des nouvelles parties orientales et nous pouvons supposer qu’il fit de même pour l’élévation nord, découpant ainsi le volume en deux travées mais préservant l’ancienne façade. L’ensemble sera voûté en berceau plein cintre pour être en harmonie avec le doubleau occidental de la travée clocher. Achèvement de ce programme vers 1145/1150. A cette époque, l’œuvre romane est achevée mais le temps des sinistres et des reconstructions va suivre.

A une date indéterminée de la fin du Moyen Age, probablement au XV°s. l’élévation nord de la nef de Valeuil va s’écrouler entraînant dans sa chute le grand berceau en plein cintre mais ce sinistre s’est produit en deux temps. C’est d’abord le clocher, beaucoup plus haut que l’ouvrage actuel, qui donne des signes de faiblesse côté nord, et plus précisément sur l’angle affaibli par l’escalier à vis intégré dans la pile. Il est alors décidé d’établir une chapelle rectangulaire qui doit épauler l’ouvrage mais le mal est plus profond. Il faut réaliser un arc de décharge, lui même épaulé d’un contrefort à l’angle nord ouest de la travée. Le clocher est sauvé mais la nef ne résistera pas et l’élévation nord s’écroule, comme nous l’avons dit.

La nef sera alors reprise en deux grandes arcades plein cintre donnant sur deux chapelles latérales. Ces additifs vont former une seconde église parallèle au nord de la première; la chapelle flanquant le clocher est coiffée d’une voûte gothique classique et les deux autres de voûtes avec liernes et tiercerons. Une fois cette reconstruction achevée, il faut, malgré tout, démonter les étages supérieurs du clocher. Au cours de ces campagnes, la nef principale, rapidement restaurée demeure couverte sur charpente. La pile médiane du nord sera flanquée d’une colonne engagée qui doit porter deux voûtes sur croisées d’ogives, mais cet ouvrage ne semble pas avoir été réalisé, sans doute à cause de la faiblesse constatée dans l’élévation sud. Les travaux de la fin du Moyen Age vont s’arrêter là, et c’est lors d’une campagne de restauration que cette nef reçut à nouveau un berceau plein cintre de facture légère.


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(A) Abside en hémicycle outrepassé -1110/1125
(B) Structure interne-Piles et arcatures
(C) Structure externe non concordante
(D) Doubleau de clôture et cul de four vers 1125
(E) Travée clocher - 1115/1130
(F) Pendentifs réduits
(G) Coupole non circulaire vers 1130
(H) Clocher arasé ultérieurement
(J) Escalier à vis vers 1130
(K) Nef à deux travées - 1125/1140
(L) Voûte en plein cintre (reprise)
(M) Arc de sauvegarde -XV°s
(N) Croisillon nord -XV°s
(P) Reprise de l'élévation nord
(Q) Deux grandes chapelles latérales gothiques
(R) Projet de voûtes gothiques sur la nef -XV°s
(S) Reprise en parement du mur nord -XV°s