Chartres
Les tours de la cathédrale de Chartres ont guidé les pèlerins du Moyen-Age comme ceux d'aujourd'hui. Voici bientôt mille ans que ces longues cohortes ferventes marchent sous leur bannières déployées, enveloppées de leurs chants, et sillonnent la plaine de Beauce, tantôt humide, tantôt verdoyante ou chargée de blés murs afin de rejoindre la lente procession parcourant la crypte de Fulbert. Cependant, la cité des Carnutes fut, de tout temps, le centre politico-religieux d'une vaste région dont la première occupation remonte au néolithique, soit plus de 4000 ans avant notre ère.
Mais avant d'aborder la société des Carnutes, voyons comment traiter la préhistoire sans risque de s'inféoder à un système et de scléroser nos facultés d'analyse. La définition d'un schéma socio-économique nous semble de bon secours.
Le néolithique
Avec la conquête de César, la Gaule passe sous le joug de la civilisation gréco-latine et pour les intellectuels de l'Empire, ce n'est qu'une province périphérique sans grand intérêt. Peu d'auteurs illustres vont se pencher sur elle. Les textes sont rares et cependant, là, commence notre histoire. Tout le passé devient domaine de la préhistoire et cette coupure ultérieurement confirmée par le calendrier chrétien nous emprisonne encore aujourd'hui. La Gaule n'avait pas attendu César pour exister et son histoire hors les textes plonge dans les quatre ou cinq millénaires qui précèdent. Sur cette très longue période nous n'avons que des témoignages archéologiques difficiles à illustrer, certes, mais cependant indéniables.
L'articulation sociale commence en Occident vers le sixième millénaire et, dès cette époque, les peuples des Gaules vont connaître une lente évolution où les étapes peuvent se développer successivement mais également se côtoyer et se heurter. La chronologie des Ages établie par les préhistoriens est certes bien pratique en guise de cadre d'étude mais elle peut constituer un carcan arbitraire et trompeur. Voyons plutôt les diverses étapes socio-économiques parcourues.
Après avoir longtemps vécu tels des prédateurs derrière les grands troupeaux de bovidés, comme le faisaient encore les Indiens d'Amérique au siècle dernier, les habitants des terres d'Occident vont apprivoiser puis croiser des bêtes afin d'obtenir une race nouvelle asservie à l'homme. Mais la création de ces troupeaux domestiques demandera des siècles, voire des millénaires, et la mutation du comportement social sera également lente. D'autre part, toute nouvelle articulation intervenant en des lieux propices laissera un environnement en l'état antérieur.
Dans un premier temps que l'on ne peut assimiler à une période préhistorique déterminée, la gestion du troupeau est collective et la tribu respecte le rythme de transhumance propre aux bêtes. A la bonne saison, pasteurs et troupeaux parcourent les plateaux herbeux et les hommes doivent se contenter d'abris provisoires. Ce mode de vie dure environ huit mois de l'année. A la mauvaise saison, les troupeaux rassemblés sont parqués dans un vaste enclos fait de haies vives entrelacées d'épineux, tandis que les hommes s'organisent dans de longs abris couverts de chaume, toujours collectifs. Sur cette courte période, il faut nourrir les bêtes avec du fourrage coupé et séché à la belle saison. Longtemps les historiens ont voulu lier cette période à l'utilisation du chariot, donc à l'invention de la roue, mais le fourrage peut très bien se transporter sur des traîneaux. Certes le rendement est moins bon mais pour inventer la roue il fallait en éprouver le besoin et avoir usé bon nombre de traîneaux.

Ce mode de vie essentiellement pastoral n'est pas sans inconvénient. L'alimentation parfois exclusivement faite de viande et de laitage engendre des rythmes qui sont néfastes à l'organisme Alors les préposés à la cueillette vont sélectionner puis préserver les zones qu'ils exploitent afin de développer la part alimentaire ainsi représentée. Ensuite ils vont organiser leur action, semer ces graines, cultiver la plante et obtenir un bien meilleur rendement. Ce sont les premiers pas de l'agriculture et l'obligation de se fixer sur place. En effet, le travail de la terre demande un effort soutenu. Il faut débarrasser le sol de l'ivraie et la bonne moisson ne viendra que quatre ou six années plus tard. C'est la raison de la sédentarisation. Cette première agriculture reste liée à une part d'activités pastorales et les bêtes sont alors maintenues dans des enclos particuliers. Bien entendu, ces nouvelles implantations patiemment aménagées redoutent les troupeaux vagabonds et les heurts furent nombreux mais les activités vont se décanter. Les agriculteurs se fixeront le long des vallées tandis que les pasteurs se déploieront sur les plateaux avec toujours le repli hivernal sur un site, sur un oppidum. En certains lieux bien situés à proximité d'une rivière, passé le temps des heurts, la synthèse des modes d'exploitation se fera à l'avantage de tous.
Cette entité socio-économique sera très tôt coiffée par une structure politique qui va naturellement se fixer sur l'oppidum, plus précisément à l'extrémité du promontoire, là où se trouvait précédemment le lieu d'hivernage. Le potentiel économique ainsi rassemblé amène des artisans et des commerçants, les premiers s'activant sur les bords de la rivière, les seconds s'installant sur le plateau, à proximité de l'enclos devenu citadelle. C'est l'amorce d'une cité. D'autre part la ville a besoin de son environnement rural, artisans et commerçants vont nouer des échanges réguliers avec les habitants d'un territoire plus ou moins vaste: ce sera l'assiette économique de la métropole. A ce point de développement, la cellule politico-religieuse étendra son emprise sur l'ensemble, ce sera la province.
Cette évolution se fait au profit des sites implantés sur un environnement favorable et bien articulé tandis que les oppidum d'arrière pays vont s'appauvrir et disparaître. Ce phénomène prépare une nouvelle mutation. Les structures politique-religieuses ainsi que les tenants du pouvoir économique installés sur les grands sites feront tout pour développer leur emprise sur le monde rural environnant. Mais "qui trop embrasse mal étreint" et de petites agglomérations satellites vont s'interposer entre la métropole et son environnement: ce sont les bourgades. Cependant leur vocation est essentiellement économique et si le pouvoir central sait gérer raisonnablement son emprise il s'en trouvera renforcé. A l'époque de la Conquête romaine, les provinces gauloises avaient achevé cette longue mutation. Métropoles, bourgades et villages couvraient l'ensemble du territoire et la population était fort nombreuse. Les 100.000 guerriers que pouvaient rassembler les Bellovaques représentaient une population de plus de 500.000 personnes, soit l'équivalent de celle du XVII°.
Rassembler des informations fragmentaires obtenues de manière fortuite, et tenter d'en dégager une trame historique serait mettre la charrue avant les bœufs. Par contre, avec le schéma probable obtenu grâce aux enclenchements socio-économiques, nous pouvons mettre en bonne place les données que nous possédons. Telle était la raison de ce long préambule.
Chartres aux temps préhistoriques
Sur l'oppidum des Carnutes, nous allons trouver bon nombre de témoignages susceptibles de s'inscrire dans le schéma proposé et d'abord le grand système de protection dit fossé celtique qui se développe à l'ouest de l'éperon selon un large rayon. De cette défense qui devait initialement compter 4km de développement, nous ne connaissons que le tronçon central, soit 2km environ. L'espace ainsi protégé représente 200 à 230ha, mais ce dessin n'est pas celui que l'on peut attendre pour un éperon barré du haut néolithique. Si l'occupation du site, dès les IV° et III° millénaires avant notre ère ne fait guère de doute, ses caractères devaient être différents. Parmi les hypothèses probables, nous pouvons envisager une coupure de l'éperon à 2km au sud-ouest de la cathédrale. Certes les haies vives compactes et renforcées d'épineux qui constituaient les premières barrières, ne laissent que peu de traces archéologiques conventionnelles mais l'érosion différentielle qu'elle provoque finit par former une trace permanente qui peut être ensuite accentuée par le passage des troupeaux. A la hauteur présumée de cette coupure nous voyons, encore aujourd'hui, deux perturbations dans les courbes de niveau. La meilleure confirmation peut se trouver dans les dépôts argileux que ce ru bâtard a laissés dans la vallée. Les ravinements ainsi formés vont partiellement disparaître avec le développement de l'agriculture. Garnis de buissons, ce sont eux qui vont piéger les ruissellements issus du plateau, mais la trace n'est jamais totalement comblée.
Comme nous l'avons dit, cet éperon barré dont la population est très variable selon les saisons doit laisser place à une installation permanente, plus concentrée, avec une citadelle bien distincte. La position peut recevoir une petite agglomération haute mais l'essentiel de sa population sera constitué d'artisans installés dans la vallée, sur les bords de la rivière. Cette première ville caractérisée doit prendre forme au deuxième millénaire avant et le fossé celtique de Chartres semble protéger une installation de ce genre. Son tracé sauvegarde une occupation agricole, côté plateau, mais surtout bon nombre d'artisans le long de la vallée et dans les deux rus qui découpent l'éperon en aval.
Dès le début de la période de la Tène, la ville gauloise est sans doute réduite mais avec une population plus dense, plus riche. Agriculteurs et pasteurs en sont maintenant exclus et le poids politique de la cité s'est considérablement accru. Le territoire des Carnutes s'étendait jusqu'à la Loire et Orléans faisait partie de leur sphère d'influence. Peu avant la conquête, les habitants de Genabum vont développer une infrastructure portuaire, construire un pont sur le fleuve et acquérir ainsi une puissance économique qui leur permet de se soustraire à l'emprise des Carnutes.
Chartres romain
Dans le premier programme d'aménagement urbain réalisé au début du siècle d'Auguste, la citadelle gauloise fut sans doute préservée, non par respect pour une civilisation déchue mais pour diverses raisons bien pratiques. Dans les décades qui suivent la Conquête, l'armée romaine occupe le lieu afin qu'il ne tente pas un pouvoir insurrectionnel, ensuite, son espace exigu, ses abords escarpés et le volume des aménagements défensifs laissés par les siècles passés le rendait difficilement exploitable selon les nouveaux critères d'urbanisation. La ville romaine s'installera donc sur le plateau et l'aménagement respecte la courbe des 150m. L'orientation est pratiquement nord-sud, c'est également l'orientation de la principale rampe tangentielle menant de la ville basse au plateau. Aujourd'hui, nous n'avons que trois rues attestées d'époque romaine confirmant ces coordonnées. C'est la rue des Vieux Rapporteurs, la rue de la Poêle Percée et la rue des Grenets qui leur est perpendiculaire. Cette dernière deviendra l'artère principale nord-sud du Moye-Age mais ce n'était pas le decumanus antique, elle est située trop près de l'abrupt qui borde le plateau.

Au sujet du maillage antique de Chartres, il ne faut pas se bercer d'illusions, l'espace occupé par la grande cité de caractère augustéen devient, de l'an 400 à l'an 1100, un quartier périphérique hors murailles et la majorité des axes antiques se trouve aujourd'hui sous l'épaisse "galette" archéologique identifiée par M. Couturier.
Au siècle des Antonins, le maillage de l'époque augustéenne est totalement exploité, les pentes côté rivière, ainsi que les berges et les terres basses sont saturées d'installations médiocres mais fonctionnelles. Les promoteurs du temps décident alors d'aménager le quartier de la citadelle. La forme du promontoire ne se prête pas à une extension du maillage déjà en place et ce nouveau quartier sera urbanisé selon des coordonnées différentes, approximativement sur le 145°-345°. Le maillage qui aborde également les pentes de l'est et du nord sera préservé tout au long des siècles grâce au quadrilatère de défense du Bas-Empire que nous traiterons ultérieurement.
Les aqueducs
La ville Augustéenne sera alimentée par un aqueduc de plateau qui aborde le site avec un niveau à + 155m ce qui est suffisant pour alimenter la nouvelle agglomération établie entre 152 et 154m. Le trop plein est alors dirigé vers la dépression nord, en déversoirs successifs, et au profit des habitants de la ville basse. L'aménagement du promontoire réalisé à la fin du Ier siècle, se révèle trop haut pour être valablement raccordé aux extrémités des circuits de la ville Augustéenne. Il faut établir une dérivation à partir du niveau + 155m. Au début du second siècle, le débit de ce premier ouvrage devient insuffisant en période d'été. Il faut en concevoir un second qui longera la vallée de l'Eure après captage en amont et abordera l'agglomération basse à la cote + 130m. C'est un ouvrage de captage en vallée à gros débit, suffisant pour combler le déficit des périodes chaudes. Aujourd'hui nous ne connaissons que les deux tronçons d'arrivée.
Les voies romaines
Avant la Conquête, les relations économiques développées par les Carnutes suivaient les anciens cheminements longeant les vallées et la distribution des cours d'eau leur était particulièrement favorable. La basse vallée de l'Eure drainait les terres du nord-est, le haut cours celles des régions est et nord-est tandis que la vallée du Loir, toute proche, donnait accès aux terres situées vers le sud-est. Cependant, il manquait une liaison avec les voies majeures que sont les grands fleuves, ainsi les Carnutes avaient-ils pris contact avec le Val de Loire et assuré leur emprise sur Genabum (Orléans). La ville occupait le sommet de la courbe formée par le grand fleuve et là se rassemblaient tous les cheminements venus du nord.
Tels les racines d'un arbre, ces réseaux alimentaient la métropole des Carnutes mais le système ainsi constitué était de caractère fortement égocentrique. Dès la Conquête, l'ordre romain impose un réseau de voies dites stratégiques destinées à servir les échanges sur grandes distances et rompre l'isolationnisme des anciennes entités politiques. Dans ce programme la toute récente autonomie d'Orléans, comme de Senlis, fut confirmée par l'articulation des voies mises en place. Un itinéraire stratégique va joindre la métropole des Carnutes à leurs anciens vassaux et maintenant partenaires: les habitants de Genabum.
Parmi les dix voies qui vont rayonner à partir de Chartres, six se dirigent vers les vallées de la Loire et de la Seine en traversant les riches plateaux céréaliers de la Beauce et ceci donne les caractères et les objectifs de la nouvelle économie chartraine. La richesse de la ville, c'est désormais le commerce des grains par contre, les régions du nord et de l'ouest favorables à l'élevage ne seront desservies que par quatre voies.
Avec Orléans et le Val de Loire, l'économie des Carnutes était liée à la principale voie marchande qui traverse l'Occident, restait à joindre l'autre grande artère économique du nord des Gaules, la Seine. Ce fut fait sans doute rapidement mais si l'on en croit le dernier point sur la question réalisée par R. Chevallier, là, comme pour le nord-est, les tracés sont incertains. Cependant, il faut tenir compte d'un paradoxe. Les voies de caractère essentiellement stratégique vont servir une civilisation particulière durant trois siècles et tomber ensuite en désuétude. Elles préserveront donc leur caractère antique. Par contre, les voies tracées selon les cheminements naturels resteront fortement pratiquées, aménagées et parfois modifiées tout au long des siècles. L'empreinte romaine n'est plus discernable aujourd'hui.
Chartres aux temps de la pax romana
En règle générale, les promoteurs de la nouvelle articulation économique préféreront développer une agglomération nouvelle à proximité de l'oppidum, haut lieu du particularisme provincial et facteur de sclérose, mais sur les sites chargés d'histoire, et dont les abords sont escarpés, la chose n'est pas facile alors il faut aménager l'existant et cela demande plusieurs générations. Dans les cas particulièrement difficiles comme à Langres, l'urbanisme romain reprend pratiquement la disposition ancienne qui pouvait s'apparenter sans doute à celle de Numance où la disposition des voies est relativement rationnelle. Par contre, sur les sites où l'escarpement est moindre, les tenants de l'ordre nouveau tenteront un aménagement du réseau urbain en harmonie avec l'articulation des voies stratégiques comme cela se fait dans les villes augustéennes. A Chartres, la nouvelle ville du plateau semble en conformité avec la voie menant vers la Bretagne par le Maine. Mais cet aménagement trop caractérisé contraint l'agglomération et, dès le siècle des Antonins, les impératifs économiques l'emportent à nouveau. Le domaine des artisans établi sur les pentes, en bordure de rivière, reçoit, superposé au désordre antérieur un tracé plus méthodique qui fixe le réseau d'assainissement. Les plus riches, les plus entreprenants s'installent sur ces nouvelles voies avec pignon sur rue, tandis que le vieux tracé s'estompe progressivement. Enfin, la ville de plateau se révèle peu pratique aux activités. Elle devient un quartier essentiellement bourgeois et commerçants et négociants urbanisent la pointe de l'éperon précédemment négligée. A la fin du siècle des Antonins, à sa période la plus faste, Chartres représente 70 à 80ha, diversement urbanisés dont seulement 30 sur le plateau.
Chartres au bas empire
Dans les agglomérations à très forte activité marchande, comme les villes portuaires de Rouen, Nantes et Bordeaux, les responsables installeront très tôt un périmètre de défense rectangulaire qui préserve environ 35 à 40% de l'ancienne surface urbanisée. Par contre, dans les métropoles rurales ou les activités artisanales dominent, les gens de métier ont besoin d'espace et d'eau courante pour les phases de prémanufacturation et ces activités sont peu compatibles avec les contraintes d'une enceinte efficace. Nous le verrons au Bas Moyen-Age où les protections d'ensemble constituent un puissant facteur de sclérose pour l'économie. Alors la plupart des villes de l'intérieur choisiront l'articulation bicéphale avec une cité forte de surface réduite, et un ou plusieurs faubourgs ouverts réservés aux artisans. Si ce faubourg est unique, il peut former une véritable agglomération parallèle, comme à Périgueux, Limoges, et d'autres villes. Mais, à Chartres comme à Poitiers, les artisans installés sur une longue portion de la rivière ne pourront fixer un centre à leur faubourg. Ils vont donc vivre sous la ville haute et lui demeurer inféodés. Dans ces conditions, la cité proprement dite ne représente guère plus de 15 à 20% de l'ancienne surface urbanisée et environ 40% de la nouvelle agglomération.
A Chartres, si la muraille du Bas-Empire donne lieu à diverses hypothèses, voire à des controverses, il faut en accuser le site et ses caractères. Au début du IV°, le très fructueux commerce du grain disparaît et la métropole se retrouve face à son environnement rural. L'essentiel de l'activité économique revient alors aux artisans installés sur les bords de la rivière. Commerçants et notables n'ont plus les moyens d'exploiter l'espace naguère organisé sur le plateau. Les mises en défense hâtivement réalisées à partir des murs de soutènement en terrasse seront alors progressivement abandonnées, il ne restera qu'une modeste acropole. Nous pouvons estimer les diverses étapes comme suit.
Après les premiers sinistres de 250 à 260, les habitants se replient vers l'extrémité du promontoire et aménagent des défenses sommairement basées sur les murs de soutènement dont certains tronçons particulièrement importants ont déjà été identifiés. La brève renaissance Constantinienne permet aux Chartrains de renouer avec l'espoir et les projets. L'agglomération haute va compacter et niveler ses ruines et reconstruire à la hâte; c'est l'amorce de la galette archéologique identifiée par M. Couturier. Avec cette masse de matériau, les défenses retrouvent leur caractère de mur de soutènement, mais la fin du IV° ne confirmera pas les espérances du règne de Constantin. La population haute se réduit chaque décennie davantage et, vers 400, il apparaît souhaitable de fermer définitivement l'extrémité du promontoire, là où se trouvait l'ancienne citadelle gauloise.
Pour l'oppidum des Carnutes, nous reprendrons donc l'hypothèse émise il y a une vingtaine d'années par J.L. Vatinel (en son temps le meilleur spécialiste des enceintes du Bas-Empire). La cité haute formait un trapèze de 250 X 170m qui reprenait sensiblement la surface de l'ancienne citadelle gauloise démantelée deux siècles plus tôt. Si l'espace est fort réduit, comme le concède l'auteur, ce n'est là qu'une partie de l'agglomération, une surface trois fois plus vaste demeurant exploitée sur les bords de la rivière.
La nouvelle enceinte ne comportait que deux portes situées côté plateau et sur les six siècles qui vont suivre, les rares développement en faubourg se feront selon ces deux axes. L'espace médian qui représente maintenant les zones sur cour va se charger de divers dépôts qui condamneront l'ancien maillage antique.
La cité du Bas-Empire était flanquée d'une position fortifiée établie en lisière du plateau côté est. Là, la cellule comtale, les aspirants féodaux succédèrent aux soldats du Bas-Empire. La présence d'une telle fortification, contrôlant la sortie sud de la cité ainsi que la rampe tangentielle qui liait ville basse et ville haute, n'était pas de nature à favoriser l'esprit de cohésion au sein de l'agglomération.
Le centre de l'occupation basse va, très tôt, s'articuler autour de l'amphithéâtre qui fut transformé en défense, comme à Périgueux. A Chartres, un second faubourg de moindre importance se développe sur les bords de l'Eure, au sud, à proximité de l'ancien pont romain. Les assises de l'ouvrage sont rapidement submergées par la montée des eaux due au barrage à moulin et à l'accumulation d'alluvions qu'il provoque. De l'époque gauloise à l'an 1000, le niveau de l'Eure, au pied de la ville, est sans doute monté de 2 à 4m, ce qui a submergé la première voie sur berge.
A l'époque mérovingienne, Chartres, grande métropole ecclésiastique retrouve un certain ascendant sur son environnement et ceci favorise le développement des activités marchandes en ville haute. Un faubourg s'articule autour d'un ancien tracé romain, aujourd'hui les rues Saint-Michel et des Grenets,.un autre moins important, s'amorce sur la perpendiculaire menant vers l'ouest, vers le Maine. C'est lui qui justifiera la future porte des Espars, aujourd'hui les Epars, mais cette articulation sur deux axes est trop diffuse pour être valablement défendue. Vers l'an 1000, une enceinte réduite viendra fermer la partie contiguë à la cité. Les deux faubourgs ne seront absorbés qu'au XIII°.
Les chrétiens qui avaient sans doute développé leurs premières communautés parmi les gens modestes des bords de l'Eure, sont maintenant coiffés par la structure épiscopale installée dans la cité. L'homme à la crosse n'est plus un enfant du faubourg converti en modestie et proche des humbles, c'est maintenant un rejeton bourgeois qui gouverne la ville et entend régner sur la province. Certes, la structure politico-religieuse et ses institutions défendent les intérêts de l'ensemble et c'est bénéfique pour tous mais, pour les petites gens, le partage des charges et des richesses paraît naturellement tendancieux. Les pauvres ont toujours mal compris les motivations des riches et ces derniers leur ont toujours bien rendu.
Chartres au moyen âge
Dès le VI°, la ville a trouvé ses caractères, fixé ses axes de développement et son avenir semble tracé. L'articulation du premier millénaire de notre ère était sans doute assez semblable à celle qui régnait à l'époque gauloise et la fastueuse ville ouverte romaine ne fut qu'un intermède de trois siècles sur une longue période de deux millénaires.

En Occident, la situation politique a évolué. Si la monarchie Mérovingienne n'eut que peu d'effets sur la vie de la société, le court intermède Carolingien aura beaucoup plus de conséquences. Les grands féodaux vont tenter de fixer leurs domaines et les petits vont s'inféoder aux grands afin d'obtenir caution pour leur incommensurable prétention. La féodalité n'est pas encore dans les faits mais petits et grands seigneurs ont scellé leurs pactes, imaginé leurs objectifs et la montée des pouvoirs locaux n'est guère favorable à l'idée monarchique. "Qui t'a fait Comte lui dit le Roi? Et qui t'a fait Roi lui répond le Comte?" dépeint bien l'état d'esprit qui règne alors dans la caste dirigeante. Les monarques vont donc s'appuyer sur les villes, très désireuses de préserver leur indépendance face aux prétentions des nouveaux maîtres du jeu politique. Ce n'est pas encore le contrat des chartes communales mais c'est déjà une communauté d'intérêts qui ne manque jamais de se manifester à point nommé. Le fait que les monarques s'abstiendront de confirmer les prérogatives comtales à l'intérieur de la cité est au nombre des menus services rendus par la couronne aux bonnes villes du royaume.
A Chartres, la cellule essentiellement militaire qui s'est implantée aux portes de la cité après la chute de l'empire sera toujours jugée plus nuisible qu'utile, et le phénomène vite mis en tutelle. Le seigneur et les soldats du château tolérés, entretenus, représentent plus une caution féodale qu'un pouvoir réel. C'est éventuellement un apport pour la défense, c'est également le bras séculier à qui l'on peut confier des actes que l'église doit réprouver, mais le véritable maître de la cité reste l'évêque. Ce sont les notables d'en haut qui l'ont choisi de longue date et finalement promu en puisant dans le cercle de cadets et bâtards judicieusement confiés au Chapitre. On ne gouverne pas une ville du Moyen-Age, ce sont les intérêts de la cité plus ou moins bien compris par les grandes familles de l'agglomération haute qui fixent la politique à suivre et l'institution donne de bons résultats.
La renaissance de l'an 1000 amorcée dans les provinces a d'abord servi les grands domaines ecclésiastiques et fait du XI° le siècle des abbayes mais, dès le début du XII°, les villes d'Occident se réveillent. Ce sera le siècle des cathédrales. Chartres évolue selon la règle mais il faut attendre le début XIII° pour que la cité se fixe un nouveau périmètre défensif. Côté plateau, la muraille englobe maintenant les faubourgs qui se sont développés sur les voies menant vers le Loir et vers le Perche, et cette défense fermera définitivement l'agglomération haute, preuve s'il en est que le niveau économique atteint au XIII° représente un sommet qui ne sera dépassé qu'au XIX°.
En agglomération basse, le quartier de l'amphithéâtre reste la zone de plus grande occupation mais la surface urbanisée est variable. Dans la période faste du XII° le quartier se dote de ses propres faubourgs qui se développent au nord, le long de la voie sur berge, et vers l'ouest dans la dépression qui pénètre le plateau. Là se trouvent les voies périphériques qui permettent aux chariots de rejoindre la route du Maine, au-delà de la place des Epars, et cela sans passer par les ruelles étroites de la cité. C'était déjà, nous semble-t-il, un itinéraire Gaulois. La muraille du XIII° condamnera cette dérivation large et le transit économique sera dirigé vers une voie qui longe la muraille nord de la cité.
Au milieu du XI°, en Normandie et en Anjou commencent les affrontements des grands féodaux et c'est probablement à cette époque que le faubourg de l'amphithéâtre, qui s'est développé de manière ouverte au X°, se ferme d'une enceinte légère. Ce quartier que l'on désigne tantôt comme le village des bateliers, tantôt comme la paroisse Saint-André, gardera à l'avenir les limites ainsi fixées. Enfin, en amont, vers le sud, l'occupation se transforme également. Les nombreux voyageurs qui empruntaient la voie sur berge trouvaient souvent porte close dans une ville haute peu accueillante. Alors les bonnes âmes de l'agglomération basse ouvriront un lieu d'accueil géré par une communauté chrétienne: c'est le monastère Saint-Pierre. Fondé, semble-t-il, au VII°, ce n'était alors qu'une simple halte pour les voyageurs attardés mais la fondation se développe et, dès l'an 1000, les moines peuvent construire une vaste abbatiale entourée d'un grand jardin cerné de murs. L'obstacle commande alors une déviation de la voie sur berge en deux tronçons, l'un côté rivière, l'autre qui gravit la pente pour rejoindre la route du plateau. Au XI°/XII°, ce faubourg connaît son développement maximum et, vers le début XIII°, les habitants fondent leur propre paroisse: Saint-Hilaire et construisent une grande église parallèle à l'abbatiale Saint-Pierre. Enfin, au XIII°, la nouvelle enceinte se lie aux murs du jardin de l'abbaye et ferme définitivement la voie sur berge. Cette sanction frappe un cheminement économique qui avait plus de 3000 ans d'âge.
Après l'abandon du pont romain et la montée du niveau de l'Eure, le franchissement principal s'est déplacé. On le trouve maintenant au pied de la rampe tangentielle qui monte vers le plateau mais la forte déclivité de la rive est gêne le mouvement des chariots et des marchandises. C'est le XIX° qui retrouvera le tracé de l'époque romaine.
Au XIII°, les quartiers bas dont les limites nord et sud sont maintenant figées, absorbent l'île formée par les courants secondaires de la rivières et cet espace nouvellement urbanisé sera également inclus dans la grande enceinte. Là, comme sur le plateau, la défense ne sera franchie qu'au XIX°. En 1300, la ville de Chartres a donc acquis les caractères qu'elle conservera jusqu'à l'époque moderne.
La population chartraine
Les études démographiques portant sur les périodes historiques et basées sur les textes s'étant révélées aléatoires et parfois aberrantes, nous exploiterons une échelle de densité urbaine définie ainsi: une centaine d'habitants à l'hectare, en faubourg périphérique où les hangars et surfaces de stockage sont importants, et quatre à cinq cents en centre ville, où les immeubles peuvent dépasser trois niveaux avec une occupation bourgeoise qui s'entoure d'une domesticité nombreuse et sommairement logée. Cependant, la population d'une ville fermée peut varier selon les saisons. A certaines époques de l'année, la prémanufacturation, tel le rouissage du lin ou le traitement des peaux, exige une très importante main d'œuvre. Des travailleurs itinérants venus des campagnes environnantes s'installent alors dans la cité. Logés de manière très provisoire, ils regagneront la campagne à l'époque des travaux des champs dans le cadre de la louée. La ville ouverte, par contre, intègre cette population dans des faubourgs permanents. Certes la ville fermée comporte également ses faubourgs mais ils sont très précaires et systématiquement mis en cause lors des périodes d'insécurité. Compte tenu de cette échelle et de ces divers facteurs de pondération, la population chartraine peut être estimée comme suit.
La population préhistorique
Aujourd'hui encore, certaines peuplades vivent comme au néolithiques. Certes, elles sont survolées et les journalistes et photographes les traquent, mais ces attentions très intéressées et les quelques gadgets laissés sur place par la civilisation ne changent guère leur mode de vie. Il est donc puéril de vouloir inscrire la préhistoire dans un cadre strict fixant des rapports entre l'échelle des millénaires et les étapes socio-économiques parcourues, mais le pli est pris et nous allons malgré tout sacrifier à la coutume.
Après que les cervidés eussent repoussé la forêt et laissé de vastes prairies aux bovidés, les premiers Carnutes vont chasser le bison et l'aurochs en suivant les troupeaux, selon les saisons. A cette époque, l'oppidum des bords de l'Eure n'a aucun intérêt. Avec la capture des premières bêtes, et des croisements avec des espèces venues d'ailleurs, le point de repli hivernal s'impose avec son premier enclos de haies vives. Nous sommes alors vers -4000. L'espace fermé est inférieur à 200 ha, ce qui peut donner 2000 bêtes à corne et 1500 à 2000 individus. La première implantation permanente qui côtoie les surfaces de parcage est très modeste et ne regroupe que quelques centaines de personnes mais leurs activités sont facteur de progrès. Ce sont eux qui vont apprendre à traiter les laitages, à fumer la viande et tanner les peaux. C'est l'amorce d'une nouvelle condition dont nous avons très arbitrairement fixé le début vers l'an 2000 avant J.C.
Sur l'étape suivante, ces artisans vont s'imposer et commander la mutation du site. Maintenant au nombre de 1500 à 2000 ils justifient la création d'une nouvelle défense: l'enclos celtique mais l'espace conserve une composante pastorale à laquelle viendront s'ajouter les premiers agriculteurs. La population globale est alors de 3500 à 4000 personnes. Le petit enclos situé sur l'autre rive est asservi.
Dès l'an 1000 avant J.C, ce sont les agriculteurs qui s'imposent aux pasteurs. Toutes les bêtes sont maintenant en "stabulation contrôlée". L'agglomération de plateau se concentre avec toujours 1500 à 2000 personnes mais les artisans sont maintenant au nombre de 3000 et les commerçants et négociants assurent la promotion de leurs produits. A la fin de la période Gauloise, la métropole des Carnutes peut compter 6000 personnes.
La population gallo-romaine
Dès la conquête, bon nombre de Gaulois vont jouer la carte de l'ordre romain. Des voies de caractère stratégique amorcent les échanges sur grande distance et les promoteurs implantent une nouvelle ville sur le plateau. Son urbanisation régulière, ses commodités et son réseau d'assainissement fixeront rapidement une population de 5 à 6000 personnes établie sur 25 à 30 ha. Les 15 ha sommairement urbanisés en bordure de rivière voient leur population se développer également et nous trouvons, là, 5 à 7000 personnes. L'extrémité de l'éperon, l'ancienne citadelle gauloise, est restée en l'état.
Un siècle après la conquête, l'espace commence à manquer, la ville haute est devenue le domaine des riches propriétaires terriens. Ils ont confié leur domaine à des régisseurs et vivent très largement de leurs revenus. Cette grande bourgeoisie crée son mode de vie et verrouille son domaine. Le quartier comporte maintenant jardins et vastes cours avec de nombreuses dépendances. Dans les grandes demeures, maîtres et gens de maison vivent sur place mais la domesticité de cour et de jardin réside souvent en d'autres lieux et l'occupation tombe à 4000 personnes. C'est alors que les négociants et boutiquiers s'installent sur la pointe de l'éperon et urbanisent un espace bien approprié qui jouxte et domine les ruelles de la ville basse. L'espace disponible est réduit, 9 ha environ, mais nous trouvons là 3500 personnes au moins, ce qui donne 8000 habitants pour le plateau, tandis que la population basse est maintenant proche de 12.000. La métropole des Carnutes est alors une cité de 20/22.000 personnes avec des pointes saisonnières à 25/27.000. Ce sont ses limites naturelles.
Nous pouvons exploiter un autre mode d'estimation. Chartres coiffe un vaste territoire qui représente environ 3% de la Gaule à forte occupation, d'autre part, si nous estimons la population d'ensemble à 15 millions d'habitants, l'assiette économique des Chartrains représente 450.000 individus. Prenons 10% de citadins, cela fait 45.000 personnes mais les distances sont trop grandes et la métropole n'a pu éviter l'implantation de centres satellites. Ces bourgades, au nombre de 8 ou 10, représentent 2500 X 10 = 25.000 habitants. Nous retrouvons donc les 20.000 occupants admis dans la métropole. Ainsi sur les 80 ha estimés pour Chartres ville ouverte à l'époque Augustéenne, nous obtenons une population moyenne de 250 habitants à l'hectare et rejoignons alors les critères de notre échelle.
Nous n'avons pas tenu compte de 8 à 10 km de rivière en amont et en aval. Ces banlieues sont certes étroitement liées à l'économie chartraine mais également dépendantes du milieu rural et non comptabilisées au profit de la métropole. Leur population représente 2 à 3000 personnes environ.
Nous pouvons contester les bases d'estimation choisies, mieux il ne faut pas manquer de le faire. D'abord la population des Gaules. Fixée à 15 millions, elle nous semble un minimum par rapport au nombre des métropoles et de leur importance estimée. Si ce chiffre doit être revu, c'est à la hausse. En second, une ville peut se développer au-delà de son seuil naturel mais il lui faut alors un statut politique qui justifie les monopoles exploités et la cité des carnutes ne semble pas avoir bénéficié d'un régime particulier. D'autre part, les grandes villes ne sont pas le fruit d'une seule volonté politique, il faut également les liaisons économiques capables d'assumer la poussée démographique, tel un port maritime ou les berges d'un grand fleuve. Chartres n'a ni l'un ni l'autre et fut donc soumise aux critères généraux. Enfin nous pouvons considérer sa très vaste assiette économique, nier l'existence des bourgades satellites et lui accorder les 45.000 personnes que notre mode de calcul lui concède. Cependant nous voyons mal les habitants de la province faire 40 km pour rejoindre le marché hebdomadaire. Si la bourgade requise pour leur équilibre n'existe pas, ils vont nécessairement fixer un point de rencontre et justifier sa fondation.
La population du bas-empire à l'an mille
De son établissement à l'an 800, l'enceinte du Bas-Empire qui représente 4ha environ, doit compter de 1500 à 1800 personnes, tandis que l'occupation du plateau contigu varie de 300 à 1000. Par contre, la ville basse est beaucoup plus peuplée. Les 25ha diversement occupés peuvent compter de 4 à 6.000 habitants. Ainsi, dans les plus sombres périodes, la cité des Carnutes n'est jamais descendue en dessous du seuil de 4 à 5.000 âmes. C'était nécessaire pour maintenir son statut de métropole.
De l'an 600 à l'an 800, les cités d'Occident se maintiennent en leur état ou se développent lentement. A l'époque carolingienne, l'agglomération peut compter de 8 à 9.000 personnes. Notons là qu'une cité ne vit pas selon sa propre démographie mais intègre de la main-d'œuvre extérieure selon ses besoins économiques. En tout état de cause, c'est finalement le volume d'échanges avec l'assiette rurale qui détermine la population requise et la surface bâtie nécessaire. Un agriculteur qui vient acheter du cuir pour réparer ses harnais, ainsi que la famille qui fait le voyage à la ville pour faire confirmer par l'évêché un acte religieux, sont à inclure dans ces échanges.
Au IX°, l'Occident connaît une période trouble et la population urbaine marque un certain déclin. A Chartres, le nombre d'habitants peut redescendre à 6 ou 8.000 avant d'amorcer une remontée à 8 ou 10.000 au seuil du XI°. Toutes ces mutations de faible importance n'ont guère d'incidence sur l'ampleur des surfaces urbanisées.
La population du moyen-âge
A la fin du XII°, la cité du Bas-Empire a vu le transfert de sa population bourgeoise vers le faubourg de plateau mais elle a développé ses caractères religieux et administratifs. L'enceinte ne compte plus que 1.000 à 1.200 personnes. La communauté des marchands et des bourgeois déborde maintenant la vieille enceinte de l'an 1.000 et s'articule en deux faubourgs distincts, l'un vers le sud, l'autre vers l'ouest. Là, réside maintenant la richesse de la ville. Un boutiquier bien placé peut, sur 20m2, réaliser le chiffre d'affaires d'un artisan qui travaille avec 15 ou 20 personnes sur 200 à 300m2 en ville basse. Nous avons alors, côté plateau, 4 à 5.000 personnes environ, par contre, la population artisanale qui s'active dans la vallée tend à se stabiliser à 6 ou 7.000, ce qui représente pour l'ensemble de la cité, 12.000 âmes environ avec des pointes saisonnières à 15.000.

Vers 1300, Chartres semble avoir trouvé ses limites et la grande enceinte qui vient alors fermer l'ensemble de la cité couvre environ 60ha. Elle a concentré le développement urbain du siècle précédent et la population permanente peut varier de 15 à 18.000 personnes. La défense qui bloque maintenant tout phénomène de "respiration" vers les faubourgs impose de fortes fluctuations en main d'œuvre saisonnière et ce phénomène peut donner des pointes de population de 20 à 22.000.
Conclusion
Du Bas-Empire à l'an 1.000, la ville de Chartres semble avoir bien répondu aux grands fluctuations historiques propres à l'Occident et convenablement assuré son rôle de métropole. Les développements se sont faits selon des axes de caractère fonctionnel, très tôt fixés, et cette articulation reprenait sans doute les grandes lignes de l'occupation gauloise. C'est l'enceinte du XIII° qui va bloquer la situation et scléroser la vie économique à venir. Faute d'espace, la plus grande part de la prémanufacturation est abandonnée ou sous traitée. Ce que la ville ne peut ou ne veut réaliser est donc pris en charge par les bourgades environnantes, leur polyvalence économique s'accroît, leurs richesses et leur prétention également. Certes, la métropole conserve ses prérogatives mais il lui faut pour maintenir son train de vie exploiter des monopoles bien délicats à préserver. Il est des politiques de gestion apparemment rationnelles qui peuvent enrichir un temps mais qui condamnent à terme. La vie urbaine en enceintes fortifiées est du nombre.
D'autre part, la protection de la muraille peut se révéler illusoire et même néfaste. Elle coupe la métropole de son environnement et distend ou brise les liens politiques comme le sens des responsabilités. En cas de troubles graves, c'est alors le chacun pour soi et la province ne juge pas utile de défendre sa métropole. Dès lors, et faute d'une troupe susceptible de mener des défenses dynamiques en rase campagne, villes et bourgades se trouvent exposées aux sièges de longue durée. Campagnes ravagées par des bandes armées, villes affamées par des états de siège larvés où tout mouvement économique est systématiquement rançonné, ont imposé à l'Occident une des périodes les plus sombres de son histoire. La Guerre de Cent Ans fut plus une conséquence qu'une cause.
Nous invitons le lecteur à insérer ici l'étude concernant la cathédrale de Fulbert, précédemment publiée.