ALESIA
Nous ne retiendrons pas le site du Mont Auxois. L'hypothèse est indéfendable et Napoléon ler lui-même l'avait refusée, jugeant l'ensemble non conforme au descriptif de César, impropre à recevoir les engagements tels qu'ils étaient décrits et surtout incapable de contenir les 80.000 hommes dont il était question. Mais l'Empereur contestait également ce chiffre, en toute logique, puisque les opérations d'investissement réussies au cours des siècles le furent toujours avec des forces très supérieures en nombre, trois contre un au minimum. Nous choisirons donc le site des Chaux de Crotenay proposé par MM. Berthier et Wartelle afin de le confronter au descriptif des batailles et du siège tel qu'il nous est donnés.
Le premier caractère remarquable du site est son importance. Il est énorme. Nous avons 90ha à Merdogne, 120 à l'oppidum des Côtes de Clermont, moins de 90 au Mont-Auxois et 120 environ au Mont-Beuvray. Nous pourrions multiplier ces exemples. Par contre, les Chaux de Crotenay représentent plus de 850ha. La position est donc sans commune mesure avec la majorité des installations toujours actives à l'époque de la Tène.
Sur le plateau qui forme un vaste triangle encadré de deux profondes vallées, nous trouvons une première enceinte urbaine de 55ha environ, tandis qu'une seconde à vocation agricole couvre 70ha. Il faut également ajouter un enclos citadelle installé à la pointe nord de l'éperon. Ses contours sont mal définis mais il y avait là une surface de 15/20ha dominant le plateau et susceptible d'être cernée d'une défenses particulière. Que penser de cette implantation considérable? Pour tenter de comprendre, traitons l'analyse socio-économique, l'assiette rurale et le volume de population.
Un parallèle fait entre Alise-Sainte-Reine et les Chaux-de-Crotenay ne conforte guère la thèse officielle. L'oppidum de Bourgogne est peu caractérisé, avec un sommet réduit et Napoléon 1er le jugeait déjà peu approprié pour soutenir un siège mais l'objection majeure se trouve, nous l'avons dit, dans les commentaires mêmes de César. L'éperon du Jura, hypothèse défendue par MM Berthier et Wartelle, paraît beaucoup plus convaincant. C'est une position naturellemnt très forte et Vercingétorix peut espérer renouveler là le succès de Gergovie. Il est également situé dans le pays des Mandubiens, comme le dit César. Enfin, son dessin correspond au descriptif des commentaires illustrés par le portrait robot de M. Berthier.
Dans la boucle du Doubs, les hautes terres d'une altitude moyenne de 600 à 900m pouvant se référer politiquement et militairement à l'oppidum, représentent entre Lons-le-Saunier et Pontarlier, une bande de 50 X 30km. Pour préciser davantage nous dessinerons un hémicycle de 30/32km de rayon, c'est le parcours de repli d'une grosse journée de marche pour les habitants de "l'assiette". Ce faisant, nous obtenons une surface de 160/180.000ha. Aujourd'hui, cette contrée est fortement boisée mais ces terres que nous voyons en grande futaie pouvaient être exploitées à l'époque gauloise. C'est un domaine où la polyculture doit donner de bons résultats. Nous fixerons le nombre d'habitants à l'hectare à 0,6/0,7 pour obtenir une population de 120.000 personnes inféodées à l'oppidum. De cette quantité dégageons au mieux 10/12 % de citadins pour les diverses agglomérations soit 12 à 13.000 personnes. Ce nombre nous semble nettement insuffisant pour occuper à la fois l'énorme site des Chaux de Crotenay ainsi que les petites bourgades de proximité nécessaires à l'équilibre du système. L'oppidum correspond donc à un autre âge.
Le site fut aménagé entre le second et le premier millénaire avant notre ére, au temps où le pastoral régnait sans partage. A cette époque il recevait une population hivernale de 35 à 40.000 personnes mais, dès le printemps, la majorité de ces gens s'égayait avec leurs bêtes dans de nombreuses implantations satellites disséminées sur le plateau et sur les hautes terres de la chaîne du Jura. Restaient alors 5 à 6.000 personnes dans les 55ha de l'agglomération et fort peu dans l'enceinte basse. Dès la mauvaise saison venue, le site retrouvait la totalité de ses occupants avec 8.000 personnes dans l'enceinte urbanisée, 12.000 dans l'enceinte basse et 20.000 autres réparties sur le promontoire. Cette population repliée s'installait dans de petits habitats liés aux enclos et aux étables disséminés sur les 700ha du plateau. Ce fut l'âge d'or des Chaux-de-Crotenay.
A l'époque gauloise que restait-il de cette vaste agglomération? Le souvenir d'une grandeur passée, le respect dû aux hauts lieux de l'histoire mais bien peu de concret. L'infrastructure subsiste et le transit économique de la route de Genève a sans doute fixé là une population supérieure au niveau moyen. Admettons 12.000 personnes environ dont 5.000 attachées à l'artisanat et 7.000 aux activités agricoles. Cependant, il est possible que de nombreux pasteurs déjà bien implantés dans la montagne environnante aient conservé la coutume ancestrale de rejoindre l'oppidum au plus fort de la mauvaise saison. Ce sont ces gens, plus les occupants de proximité venus de la vallée, qui formeront le lot des réfugiés à l'instant du siège.
LES FORCES EN PRESENCE
César dispose maintenant de toutes ses forces: 72.000 fantassins de ligne, 20.000 auxiliaires de langue latine auxquels il faut ajouter les 10.000 hommes du contingent éduen et environ 20.000 combattants germaniques. L'armée que Vercingétorix doit affronter s'élève donc à 130.000 hommes. César n'a jamais aligné une telle force.
De son côté, le Gaulois rassemble des troupes nombreuses mais fort mal embrigadées et sans doute a-t-il quelques difficultés à les dénombrer avec certitude. Les combattants qui ont bousculé les Allobroges au-delà du Rhône sont au nombre de 100.000 environ mais parmi cette quantité seule l'armée personnelle du chef Arvernes répond immédiatement à ses ordres et manoeuvre à sa guise. Pour les autres contingents il faut de longues palabres avec les petits chefs de guerre jaloux de leurs prérogatives. D'autre part, la majorité des combattants gaulois se trouve dans une région qu'ils ne connaissent pas et les guides locaux très dévoués certes n'ont que peu conscience des impératifs stratégiques. Les contingents manoeuvrent mal et souvent s'égarent tandis que les estafettes à cheval s'épuisent en courses folles. Paradoxalement les Romains qui sont les seuls à disposer d'itinéraires très explicites avec des distances comptées en pas ont une meilleure perception de l'ensemble des théâtres d'opération.
Vercingétorix apprend la descente des armées romaines et réalise que leur axe de marche les mène vers les passes du Jura, à 150km plus à l'est qu'il ne l'avait escompté. Il met l'ensemble de ses forces en mouvement mais, très vite, lui et ses hommes se trouvent en tête du dispositif. Il y a là tous les combattants qui répondent aux ordres du chef sans discussion préalable. Ils sont au nombre de 50.000 environ. Les aventuriers enrôlés à la hâte au début de l'année ont maintenant une haute idée de leur rôle historique et la même mutation s'est faite chez de nombreux contingents de tribu dont les petits chefs sont maintenant sensibles à l'envergure nationale prise par Vercingétorix. En cette fin d'été ce sont des hommes qui manoeuvrent vite et bien, et ce sont les meilleures troupes que César peut trouver face à lui.
Le chef gaulois croit fermement que les Romains vont rejoindre leur province et lui échapper. Il force la marche et l'écart se creuse d'avantage entre ses forces personnelles et les autres contingents mais il ne doute pas de rassembler tous ses hommes le moment venu. A ceux qui le suivent depuis les rives du Rhône, il espère ajouter les combattants descendus du nord à la poursuite de l'armée romaine ainsi que de nouveaux renforts éduens. Dans les discussions d'état-major qu'il mène avec ses adjoints et compagnons fidèles, le Gaulois se croit à l'avant garde d'une force de 150.000 hommes et cela lui semble suffisant pour obliger César à différer sa marche, à établir son camp comme il l'a fait à Gergovie.
Cependant, en forçant les étapes avec ses seules troupes, il sait qu'il peut se heurter à l'armée romaine très supérieure en nombre. Alors il se contentera de la harceler pour l'immobiliser en attendant de recevoir le renfort des contingents qui le suivent et pourquoi pas les grandes forces promises des quatre coins de la Gaule. Si d'aventure les choses tournent mal, dès le premier engagement, les montagnes du Jura qui se dressent à quelques distances sur sa droite lui offriront un refuge que César ne devrait pas aborder, pas plus qu'il ne le fit en Auvergne. C'est ce plan qui donne au chef gaulois l'audace de se porter avec 40.000 hommes et 5 à 7.000 cavaliers à la rencontre des 130.000 combattants de l'armée romaine.
LA PREMIERE BATAILLE
Vers le 26 août, Vercingétorix et sa petite armée dépassent Lons-le-Saunier et arrivent au sud de Poligny. Ses éclaireurs sont au contact. Le Gaulois croit surprendre son adversaire se dirigeant en une longue colonne vers la passe mais il découvre un puissant dispositif romain prêt à l'affronter. Une fois encore il envoie des ordres pressants à tous ses contingents mais les plus proches sont à une journée de marche. Pour lui c'est une déconvenue mais il découvre que la passe qui mène à l'oppidum d'Alésia demeure libre; il a donc pris César de vitesse. Comme ses forces sont trop peu nombreuses, il lui faut gagner du temps. Alors la petite armée gauloise s'installe dans un camp aux environs de Champagnole afin de vérouiller la passe. Nous sommes le 27 août.
Si l'on en croit les Commentaires, la première bataille se situe le lendemain de la prise de contact, soit le 28 août. Vercingétorix est déçu de n'avoir obtenu l'effet de surprise qu'il espérait mais il demeure confiant. Ses forces d'infanterie sont disposées en bon ordre face au camp et, dès que les Romains attaqueront, il suffira de les retarder jusqu'à l'arrivée des contingents qui montent en ligne. Pour fixer ce vaste projet dans l'esprit de ses subordonnés, le chef Arvernes multiplie les messages qui précisent l'ordre d'engagement à sa convenance. Ainsi se passe la nuit qui précède la bataille.
Au petit matin, Vercingétorix a reçu quelques renforts de cavalerie qui portent ses forces montées à l'égale de celles des Romains. Il a également reçu de petits contingents d'infanterie venus du sud et son armée compte alors 50.000 hommes environ. Le dispositif gaulois se met en place mais, curieusement, et à l'encontre de toutes les règles de la stratégie, la cavalerie s'installe en première ligne et se dispose en trois corps: l'un au centre, les deux autres sur les ailes. Ce sont eux qui doivent assurer le premier engagement tandis que les fantassins disposés sur un front de 3km en avant du camp arrêteront des légions déjà bien fatiguées. Il suffit de tenir une matinée, une journée au plus, et les 50 à 60.000 fantassins attendus qui doivent progresser à marche forcée se présenteront sur le flanc des Romains. Vercingétorix a donné des ordres en ce sens.
Depuis la ligne Dôle/Besançon, César qui veut obtenir un contact favorable multiplie les reconnaissances et ses éclaireurs l'informent que de nombreuses troupes gauloises venant du Lyonnais manoeuvrent au pied de la chaîne du Jura. Le 25 août ces informations se confirment. Une concentration adverse est en formation à l'entrée de la passe menant à Genève. Le contact s'opère le 26. De son côté, Vercingétorix conscient de s'être aventuré avec des forces inférieures à celles de son adversaire compte sur ses renforts pour rétablir la balance des forces. Le 27 au matin, les 50.000 fantassins gaulois se disposent en arc de cercle face au camp. Le front de 2.600m (A) qui s'appuie sur les hauteurs (B,C) permet un dispositif de 20 hommes au mètre linéraire. Pour forcer les Romains à dresser leur camp comme ils l'avaient fait à Gergovie, toute la cavalerie gauloise articulée en trois colonnes (D,E,F) doit engager les légions à bonne distance du camp gaulois. Face à ce stratagème, les Romains disposent également leurs forces montées en trois groupes (G,H,J). L'engagement préliminaire commence. Les escadrons gaulois (D) qui manoeuvrent au sud sont vite bloqués par les forces romaines exploitant les obstacles naturels des vallées de l'Ain et de l'Anguillon (K,L). Par contre, les escadrons du nord (F) trouvent l'ouverture et entraînent la colonne du centre (E) dans son sillage. Ce débordement impose aux légions de deuxième ligne (M) une manoeuvre destinée à protéger les auxiliaires et les bagages. Il y a là un plateau qui serait favorable à l'installation d'un grand camp mais César refuse de subir le jeu de son adversaire et les légions de première ligne (N) continuent leur progression vers les positions gauloises.
Face à cette curieuse option qui consiste à faire marcher les unités de cavalerie en première ligne, César forme également trois colonnes avec ses troupes montées et ce sont elles finalement qui vont assurer l'essentiel de l'engagement. Mais si les cavaliers gaulois se battent seuls, les Romains manoeuvrent de concert avec des cohortes bien disposées qui servent de pivot aux mouvements. Les escadrons gaulois engagés au sud sont vite arrêtés par les difficultés du terrain bien exploité par l'adversaire, par contre, la colonne du nord peut aisément déborder l'armée romaine. Elle entraîne dans son sillage la colonne du centre et ce vaste débordement oblige César à resserrer son dispositif afin de protéger le train des équipages.
Ce glissement du centre de gravité des opérations côté nord, permet à la cavalerie germanique de déborder les Gaulois par le sud, d'atteindre rapidement la butte de Ney côté plateau et d'en chasser les défenseurs gaulois surpris sur leurs arrières. C'est un tournant décisif dans la bataille. Les escadrons germaniques qui dominent maintenant l'ensemble des forces gauloises vont dévaler la pente et engager l'adversaire sur la droite de l'Ain, au sud de Champagnole. Il s'agit là d'une force de réserve à la main de Vercingétorix lui-même qui ne s'attendait guère à pareille surprise. Ses hommes qui ont rompu les rangs et mis pied à terre se font massacrer en grand nombre, 2 à 3.000 sans doute, et cette action met en péril toute la ligne d'infanterie gauloise qui se trouve déployée à 1.500m plus à l'ouest. Dans ce dispositif principal, les hommes qui entendent les échos d'une bataille se déroulant sur leurs arrières et voient leur cavalerie refluer s'inquiètent à juste titre. Ils entreprennent un repli qui se transforme bien vite en fuite désordonnée. Vercingétorix ne peut que rassembler les fuyards et les diriger vers l'oppidum d'Alésia.
A cette époque, le tracé de la route nationale qui domine la vallée de l'Ain n'était pas ouvert. Le repli de l'armée gauloise se fera par la route du nord, par Equevillon, Bourg de Sirode et la plaine de Syam. Les Gaulois ont donc 12km à parcourir pour arriver au pied du promontoire et 5 supplémentaires pour atteindre le sommet du plateau. Les premiers partis mettront 4 heures pour faire ce trajet, les retardataires arriveront à la nuit tombante, 6 ou 7 heures après le début du repli. C'est ce même chemin que suivront les forces de l'armée de secours lors des deux premiers assauts. L'approche pour le troisième engagement se fera par la vallée de l'Ain avant que les assaillants ne se masquent derrière la butte de Chatelneuf.
La cavalerie germanique constitue une force nombreuse et puissante mais fort mal encadrée et difficile à intégrer dans un mouvement complexe. De plus, la barrière du langage gène toutes les transmissions d'ordre et César a judicieusement employé cette troupe dans une manœuvre totalement indépendante où elle pouvait donner toute sa mesure.
Dans cette bataille qui s'est développée sur une dizaine de km2 en avant de Champagnole, la cavalerie a donc mené l'essentiel des actions. Vercingétorix semble avoir eu des pertes sérieuses. 1.000 à 1.500 cavaliers et 6 à 7.000 fantassins dont 3.000 dans les combats d'arrière garde menés face aux escadrons germaniques qui ont poursuivi leurs avantages. De son côté César s'en tire à bon compte. Il ne donne pas le chiffre de ses pertes mais elles ne doivent pas excéder 300 à 500 hommes. Si les cavaliers gaulois s'étaient maintenus dans leur rôle et si l'engagement principal avait opposé les légionnaires romains aux 40.000 fantassins de Vercingétorix déployés face au camp, la bataille eut été beaucoup plus coûteuse pour les Romains. Pour son premier et dernier engagement en rase campagne face à César, le chef Arvernes s'est révélé bien médiocre stratège.
Au soir de la bataille, les Gaulois bousculés, démoralisés, se rassemblent sur le vaste oppidum d'Alésia. Le chef Arvernes dispose alors de 40.000 fantassins environ et de 5 à 6.000 cavaliers, mais les civils sont également nombreux. Aux 10.000 habitants de la place, se sont joints 20.000 réfugiés venus là les jours précédents, poussés par le vieux réflexe sécuritaire qui constituait la raison d'être de ces oppidum. Vercingétorix pense qu'il tient un verrou mais il est dans un piège dont il ne sortira plus.
LA SECONDE BATAILLE
L'armée romaine qui a maintenant reserré son dispositif profite du déplacement de la majorité des forces montées gauloises pour franchir l'Anguillon. Les premières lignes de légionnaires (A) sont maintenant en vue des forces gauloises (B). César veut son engagement d'infanterie cependant il dispose d'un puissant contingent de cavaliers germains. Ces hommes sont peu aptes à s'intégrer dans un dispositif délicat mais excellent dans les engagements menés à leur guise. Voyant l'essentiel de la cavalerie gauloise caracoler sur le plateau nord, il leur demande d'entamer un vaste mouvement de débordement par le sud. Les Germaniques progressent au sommet de la crête (C) sans rencontrer de résistance mais les escarpements (D,E,F) sont nombreux côté vallée ce qui les incite à progresser toujours d'avantage. Ce faisant, ils arrivent sur l'éperon (G) qui domine le dispositif adverse. Après avoir bousculé les contingents gaulois qui défendent la position, ils trouvent un passage favorable (H) et dévalent la pente pour tomer sur les arrières du dispositif adverse. Là ils engagent une force de réserve à la main de Vercingétorix lui-même (J). L'effet de surprise est grand, les cavaliers gaulois doivent se replier et les fantassins restés sur le terrain subissent de lourdes pertes. A cet instant, la ligne gauloise qui voit la masse des légions marcher sur elle (K), sa cavalerie refluer (L) et entend les échos d'une bataille sur ses arrières entame un repli (M). Bientôt la retraite se transforme en déroute.(N)
Au matin du 3ème jour, le chef gaulois comprend l'étendue de son erreur stratégique. Pour avoir accordé la part belle à sa cavalerie constituée de petits hobereaux, ses frères de caste, il a totalement perdu le contrôle des opérations et ses fantassins qui constituent maintenant de bonnes troupes n'ont pu s'engager comme ils l'auraient voulu. Une revanche le tente. Il se trouve alors à l'extrémité du promontoire nord où la vue est superbe sur la plaine. Il peut contempler la multitude romaine qui se met en place et déjà s'active dans les travaux d'aménagements. Sur ces hommes qui manient la pelle et la pioche il voit là une belle occasion de revanche et donne des ordres en conséquence. Une fois encore il va lancer sa cavalerie sur les Romains qu'il imagine en posture délicate. Ses escadrons descendent par la légère dépression qui marque la pointe de l'éperon au Levant, franchissent par de petites ouvertures le muret de pierres sèches haut de 2m qui se développe au pied de l'éperon et se lancent à l'assaut des légionnaires en pleine activité. L'infanterie gauloise prend également la même voie mais avec du retard.
Ce plan résume les opérations menées par les belligérants aux abords de l'oppidum ainsi que la couverture des cartes de détail. Vercingétorix qui dispose de plus de 100.000 combattants en pays Lyonnais a forcé l'allure pour bloquer ce qu'il considère comme la fuite de Céar. Ainsi, après avoir distancé de nombreux contingents, il arrive à l'entrée de la passe avec 50/55.000 hommes et les installe sur la ligne (A). Après l'engagement de la cavalerie et la manoeuvre de débordement (B) menée par les Germaniques, les forces gauloises se replient par Sapois, Bourg-de-Sirod et Syam (C,D), pour se réfugier sur l'oppidum de Chaux des Crotenay. Ce mouvement commencé vers la 8ème heure s'achève à la tombée de la nuit.
Dans les jours qui suivent, les Romains investissent la place et repoussent une sortie de cavalerie. Au 37ème jour, l'armée de secours s'installe à l'entrée de la passe (E) et lance une première offensive (F) dans la plaine de 3.000 pas (Syam) puis une seconde de nuit sur le même front. Enfin, une troisième et ultime opération menée essentiellement par des fantassins se révèle plus difficile à situer. César nous dit au nord du dispositif sans préciser davantage. Nous pouvons l'imaginer à l'ouest vers Chatelneuf (G,H) ou côté est, vers Crans. Nous avons privilégié la première hypothèse mais la seconde a également de bons arguments.
Les unités de cavalerie romaine qui protègent les fantassins sont les premières à intervenir et l'engagement est d'une extrême violence. Les Gaulois sont d'excellents combattants à cheval et ce sont là sans doute de jeunes hommes bien entraînés au jeu de la guerre. César nous dit son inquiétude, d'autant qu'il voit l'infanterie gauloise descendre dans la plaine. Il fait sortir des fantassins du grand camp tout proche et les dispose en ordre de bataille afin de récupérer les hommes qui se replient après avoir été surpris dans leur travail mais ce sont encore les cavaliers germains qui vont décider du sort de l'engagement. Ils interviennent avec vigueur et bousculent les escadrons gaulois les plus menaçants. Ceux-ci entament alors un repli mais aux abords des portes du petit muret de pierres sèches doublé d'un fossé, ils s'entassent, se piétinent et subissent de lourdes pertes. Les fantassins gaulois ne sont pas sortis de la petite enceinte pour former les carrés qui auraient avantageusement protégé le repli de leur cavalerie.
Il nous semble retrouver là toutes les erreurs d'engagement qui consommeront la perte de la chevalerie du Moyen-Age dès les premiers engagements de la Guerre de Cent Ans. Vercingétorix a perdu sa seconde bataille pour la même raison que la première: la suffisance de ses cavaliers. En fin de journée les Gaulois tiennent conseil et doivent admettre qu'ils sont pris au piège. Comme ils ne peuvent espérer se dégager seuls, ils décident de renvoyer tous les cavaliers avant que l'investissement ne soit totalement bouclé et leur confient un message pathétique. Il y a là 80.000 braves guerriers (ils font un amalgame) qui sont prêts à donner leur vie pour l'honneur gaulois. Il faut les secourir et chaque tribu doit fournir les contingents nécessaires. Ce sera l'armée de secours mais il faudra du temps et César a tout loisir d'entreprendre un vaste programme de travaux destinés à boucler l'oppidum.